Catalogue 2023

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  • 040 Gustave FLAUBERT (1821-1880) romancier

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  • Manuscrit autographe, Naples. Museo Borbonico, [1851] ; 49 pages et demie in-fol. sous bifeuillet portant le titre, chemise demi-maroquin bleu marine, étui (quelques légères rousseurs).

    Précieux manuscrit sur le Musée de Naples comportant d’importants passages inédits et 22 croquis à la plume ou à la mine de plomb jamais reproduits.

    Revenant de son voyage en Orient en compagnie de Maxime Du Camp, Flaubert séjourna en février et mars 1851 à Naples, d’où il écrivait à sa mère, le 14 mars : « Nous venons enfin de finir l’inépuisable Musée »… Il s’agit de l’actuel Musée archéologique national de Naples (les tableaux sont aujourd’hui exposés au musée Capodimonte). La contemplation des peintures, bronzes et objets antiques inspirera fortement la genèse de Salammbô.

    Ce manuscrit, rédigé le soir à l’hôtel après les visites au musée, et en s’aidant d’un catalogue, est ordonné selon les rubriques suivantes : Tableaux (10 p.), Paysages (2 p.), Peintures de moyenne grandeur & fantaisies (4 p.), Peintures murales (4 p.), Portraits (3 p.), Danseuses d’Herculanum (2 p.), Bronzes (5 p.), Collection des petits bronzes (5 p.), Marbres (18 p.). Flaubert décrit souvent longuement les œuvres, dans le détail, et avec une grande précision (il donne même les numéros d’inventaire des œuvres). Les croquis servent de rappel supplémentaire des objets décrits ; parmi eux figurent la façade d’un temple, un collier, le pied d’un fauteuil, des détails de coiffure ou de chaussure de statues, des ustensiles ménagers, un vase, un casque, un peigne, des « entraves pour passer les pieds des criminels », des détails d’une trirème, etc. L’écrivain se livre aussi à de vifs commentaires personnels. Le manuscrit révèle quantité de passages inédits, correspondant à plus d’un quart du texte, qui ne figurent pas dans les éditions du Voyage en Orient, depuis l’édition Conard (1910), jusqu’aux récentes Œuvres complètes (Bibl. de la Pléiade, t. II, 2013, p. 950-980). C’est plus de 130 œuvres que Flaubert regarde et commente ; nous ne pouvons donner ici que quelques entrées à titre d’exemples, et quelques aperçus des jugements de Flaubert.

    Tableaux. Rembrandt, Portrait de Rembrandt peint par lui-même : « l’œil ne se détache pas de cette peinture vivante et d’un relief inouï – c’est peint d’une grande et forte manière – et comme sculpté dans la couleur ». Johannes Spielberg, Chanoinesse assise. Lucas de Leyde, Un dévot avec sa famille adorant le Calvaire, puis l’Adoration des mages : « Que c’est crâne ! quel costume – quelle tournure ». Réflexions sur « les bambinos de l’école allemande » et la « façon de traiter le Christ nouveau né ». Albert Dürer, La Nativité de Notre Seigneur : « Immense et profonde composition, à soixante personnages. Il y aurait dessus tout un livre à faire. – Pauvres figures pâles comme vos yeux sont tristes et pleins d’amour ! »… Corrège, La Sainte Vierge. Bassano, Le Christ ressuscite Lazare. Caravaggio, Judith coupe la tête à Holopherne : « Elle l’égorge comme un poulet, lui coupant le col, avec son glaive. […] Le sang (vrai, noir, rouge brun, et non pas rouge pourpre comme d’ordinaire) coule sur le matelas. Tableau très féroce, & d’une vérité canaille ». Ingres, Françoise de Rimini : « Détestable, sec, pauvre de couleur »… Baron Gérard, Les Trois Âges de la vie est « à faire peur d’ennui […] Quelle prétention ! quelle pose ! quel froid. Il gèle à 36° dans cette école. Aimait-on peu le soleil sous l’empire ! »… Parmesan, Lucrèce : « Adorable petite femme à mettre dans un nid ». Etc.

    Paysages. Toute cette rubrique sur la peinture pompéienne, ornée de deux croquis au crayon, est restée inédite.

    Peintures de moyenne grandeur & fantaisies. Seules les deux premières entrées sont éditées ; suivent quinze autres peintures, dont les notices sont inédites, dont une avec un croquis à la plume : Bacchus enfant dans les bras de Silène, le Déjeuner, Mars et Vénus, etc.

    Peintures murales. Trois peintures seulement sont publiées ; les cinq autres sont inédites (une présente un croquis au crayon) : Supplice de Dircé, Persée qui délivre Andromède du monstre marin, Psaltria, etc. ; on relève de curieuses remarques (inédites) : « L’homme est toujours fait par rapport au type d’Hercule et rouge, tradition égyptienne, dans les tableaux où il est représenté vis-à-vis des femmes & des amours, par contraste avec les chaires blanches. Quand il est isolé, le corps reprend son ton naturel. […] Toutes les chevelures sont rousses. La variété consiste dans l’intensité du ton plus fort chez les hommes. La teinte va du brique au chocolat. Il y a pourtant des femmes qui sont blondes, évidement, mais le dessous, la base de la couleur, n’en est pas moins roux »...

    Portraits. 7 entrées, dont une seulement publiée (La Servante indiscrète). Citons le début de cette section : « Portrait de profil d’une femme faune, en robe noire près de la fenêtre au 331. L’air d’avoir une maladie de matrice. Sur ses cheveux blonds un large bandeau blanc qui passe d’une oreille à l’autre, sur le sommet de la tête »… À la suite, Animaux : 3 entrées publiées, 9 inédites, dont La marchande d’amours.

    Danseuses d’Herculanum, 6 lignes publiées sur les deux pages. Flaubert décrit avec délectation les 11 panneaux, dont le « 9 en vert, complètement enveloppée aussi. Le bras gauche très porté en arrière soulève la gaze verdâtre transparente. La tête, en arrière levée au ciel, les cheveux roux sont partis au vent. La main droite écarte un peu la draperie, de sa cuisse. Un rêve ! »… Puis Flaubert décrit sept autres peintures (cette partie inédite), dont « Une femme sur un léopard à queue de dauphin. Vue de dos, elle lui tend de la gauche un plat d’or dans lequel boit la bête, et de la droite, verse le liquide d’une buire – profil charmant – le cul trop large, le genou fort laid, la rotule démesurément saillante (le genou fait angle) défaut encore plus exagéré dans le Persée & l’Andromède la couleur verte de l’animal contraste avec le ton blond de la femme. Une femme sur un char à queue de dauphin vue de ventre pour faire pendant au précédent, moins bon – elle retient le cheval par une bride. Il cabre sa tête. […] La femme centauresse 74 ! – Une femme toute lyre de mouvement. Je ne vois ici l’animalité nulle part si ce n’est peut-être dans les sabots des pieds. – De sa main droite elle frappe une crotale sur une autre que tient le jeune homme »…

    Bronzes. Statues, groupes, chevaux, avec croquis à la plume de l’attache du quadrige.

    Bronzes. Bustes. 7 bustes décrits, avec 2 croquis à la mine de plomb de détails de coiffures. Flaubert admire notamment les bustes de Tibère, Scipion l’Africain, Bérénice et Platon : « Une des plus belles choses antiques que l’on puisse voir, le bronze a pris des couleurs veinées de marbre vert foncé. […] Expression sérieuse et mâle – beauté idéalité puissance et qque chose de tellement sérieux qu’il y a un peu de tristesse »…

    Collection de petits bronzes. 4 croquis : système d’éclairage, un peigne « en forme de démêloirs », et deux dessins au crayon d’une « sorte de gril ». À la suite, Les Casques, avec 3 croquis à la mine de plomb.

    Marbres. – Le premier feuillet est consacré à six statues de Bacchus indien. – Un bifolium décrit 17 bustes ou statues : dessin au crayon du profil du buste de Plotine femme de Trajan ; croquis à l’encre de la coiffure de Plautilla ; la description de la statue d’Agrippine est complétée par un dessin légendé très détaillé de l’attache de la sandale. – Un autre feuillet est consacré à cinq bustes : Nerva, Caracalla, Sénèque (« figure chagrine ergoteuse, spirituelle, inquiète »), Philosophe (« est la tête que l’on donne sur les pendules de médecin comme étant celle d’Hippocrate »), Euripide (« Tête méditative et profondément philosophique, plutôt que lyrique »). – Un bifolium décrit douze statues, dont le « très beau buste » de Celsisu Caldus, « Deux bustes d’hommes casques en forme de casquettes de jockey », un Priape, des statues d’Hermès, un Silène ivre, une « charmante » Diane… – Un bifolium est consacré à la « Salle de la grande vasque de porphyre » : Flaubert fait 4 dessins à la mine de plomb des deux trirèmes venant de Pompéi ; suivent les descriptions de dix bas-reliefs, dont trois « mithriatiques », et une longue évocation du Festin d’Icarius. – Le dernier bifolium donne de longues descriptions de quatre marbres : Sarcophage bas relief représentant un mariage, la Diane d’Éphèse avec ses « 20 mamelles » (dessin à la plume d’un « bouton rosace », le beau « Cratère dans la salle des Muses », et enfin le bas-relief d’Apollon & les Muses, dont nous citerons la conclusion : « Charmant morceau, bas-relief complètement sorti. La sculpture est peut-être un peu longue mais cela contribue à l’élégance. Les seins des femmes fort écartés – les côtes se voient sous la chair – admirable ventre de la femme qui tend le bras (la seconde) ».

    Vente de la succession de Mme Franklin-Grout-Flaubert [Caroline Hamard, Mme Ernest Commanville (1864-1890), puis (1900) Mme Guillaume Benjamin Franklin Grout (1846-1931), nièce de Flaubert], 18-19 novembre 1931, n° 203.

     

     

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