Catalogue 2023

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Catalogue 2023
Catalogue 2023
001 CHARLES D’ORLÉANS (1391-1465) prince et poète, père de Louis XII
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001 CHARLES D’ORLÉANS (1391-1465) prince et poète, père de Louis XII Image

P.S. « Charles », Tours 10 juin 1460 ; contresignée par son secrétaire des commandements Berthault de Villebresme ; vélin oblong in-fol., traces d’un sceau cire rouge.

Ordre donné à Jehan Vigneron, Jamet Hubellin et Jehan Aubret, commis à l’office de son trésor, de payer « des deniers de nos finances […] a nostre ame et feal serviteur et panetier Georges de Montafie la somme de soixante escus dor, en recompensation de semblable somme que par nostre ordonnance & comandement feu mess. Anthoine de Montafie chev[alier] son grant père bailla tant a mess. Anthoine de Coignat que a autres pour certaines noz afferes en nostre pais d’Ast »… [Le comté d’Asti revenait à Charles d’Orléans par sa mère Valentine Visconti, mais le prince-poète ne put faire valoir ses droits, que son fils Louis XII tenta de récupérer, à l’occasion des guerres d’Italie.]

 

002 Lorenzo de’ MEDICI (1448-1492) Il Magnifico (Laurent le Magnifique), homme d’État florentin
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002 Lorenzo de’ MEDICI (1448-1492) Il Magnifico (Laurent le Magnifique), homme d’État florentin Image

Lettre écrite et signée pour lui par Niccolò MICHELOZZI, Florence 18 mai 1475, au duc de Milan Galeazzo-Maria Sforza (« Ill[ustrissi]mo et Exc[ellentissi]mo Domino meo d[omi]no Duci M[edio]l[an]i ») ; 1 page in-4, adresse, sceau aux armes sous papier (rousseurs) ; sous chemise demi-maroquin noir et tissu noir moiré, et étui in-4 ; en italien.

Belle et rare lettre politique à son allié, le duc de Milan.

Niccolò Michelozzi (1447-1527) fut dès 1471 le secrétaire de Laurent le Magnifique ; en 1512, il succèdera à Machiavel comme Chancelier de la République de Florence.

Laurent répond à une lettre du duc du 6 mai (et une du 13), en le remerciant d’abord d’avoir accordé foi à son envoyé, Agnolo della Stuffa, comme à ses autres émissaires (« prestato tanta fede a messer Agnolo della Stuffa, circa la buona relatione ha facto de’ mia buoni governi et portatmenti »), et aussi des marques de sa grande affection (« perché a me sempre ha portato troppa grande affectione »)… Il regrette leur différend touchant le statut de Florence (« contra la stato della nostre città »), et les nouvelles de Corse (« quelli avisi di Corsica »). Il restera toujours vigilant à seconder les vues du duc (« Starò vigilante se intenderò altro, et farò sempre quello che si apartiene alla servitù et devotione mia verso Vostra Excellentia »). Quant au fils du duc, Giovan Galeazzo, il renvoie à ce qu’a pu lui en écrire son orateur Filippo Sacramoro, et il est tout disposé à seconder les désirs du duc (« Quanto alla parte di messer Giovan Galeazzo, io credo che messer Filippo suo oratore habbi scripto ad quella quanto circa ciò ho conferito, che lui desiderrebbe essere huomo di Vostra Excellentia. Aspecto intendere che partito quella ne piglerà ; et quando ad epsa piaccia di adempiere in questo il desiderio di detto Giovan Galeazzo, io farò come et quanto parrà a Vostra Excellentia »). Il regardera toujours les ennemis du duc comme ses propres ennemis (« i nimici della Excellentia Vostra saranno sempre i nimici mia »). Il assure rester à la disposition du duc, et prêt à seconder ses désirs… La lettre est signée « Laurentius de Medicis ».

Lorenzo de’Medici, Lettere, éd. R. Fubini, t. II, n° 193.

Ancienne collection Jean Davray (6 décembre 1961, n° 43).

 

003 MARGUERITE DE NAVARRE(1492-1549) née Marguerite d’Angoulême, sœur de Francois Ier, Reine de Navarre par son mariage avec Henri II de Navarre ; écrivain (L’Heptaméron)
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003 MARGUERITE DE NAVARRE(1492-1549) née Marguerite d’Angoulême, sœur de Francois Ier, Reine de Navarre par son mariage avec Henri II de Navarre ; écrivain (L’Heptaméron) Image

L.A.S. « Marguerite », à François Ier, « au Roy mon souverain seigneur » ; 1 page petit in-fol., adresse.

Belle et rare lettre à François Ier. La foi ferme qu’elle a en la parole de son frère est bien expérimentée. « Toustefoys ce quy plus me desplaist nest pas tant ce quy de bien pres touche a mon honneur que de voir vostre voulonte si mal entandue suyvye et obeie », et principalement de ceux qu’elle pensait être au Roi… Elle déplore toutes ces « fascheries », « non pour crainte de mon ennuy quy ne peult estre plus grand que celluy que jay de perdre le bien de vostre veue mes pour la contraincte en quoy ces affaires me mettent de vous en importuner car estant ysy seulle de tous amys nayant consolation conseil ne force que de la seurette de vostre proumesse vous mescuzeres sy vous plest monseigneur sy en sa necessite sadresse a celluy en quy soubz Dieu a mysse toute son esperance Vostre trehumble et tresobeissante subjecte et seur Marguerite ».

 

004 JEANNE D’ALBRET (1528-1572) Reine de Navarre, mère d’Henri IV
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004 JEANNE D’ALBRET (1528-1572) Reine de Navarre, mère d’Henri IV Image

L.A.S. « Jehanne », La Rochelle 15 août [1570], « au Roy mon souverain seigneur » Charles IX ; 1 page in-fol., adresse au verso.

Très belle lettre écrite sept jours après la signature de la Paix de Saint-Germain [outre une certaine liberté du culte, la Paix accordait aux Protestants quatre places fortes, dont La Rochelle, pour une période de deux ans].

Elle remercie le Roi de lui avoir envoyé le sieur de Beaupin « par la creance duquel jay connu le soing quil vous plaist avoir de mon repos. Je vous supliray tres humblement croire que oultre lobeissance aquise par vous vostre subjecte et tres humble servante jen ay une naturelle par le sang qui ne se peult jamays separer de moy de sorte quen quelque pays que je soye soit en France ou je la vous doibs soit en Bearn ou Dieu ma donné souverayne puissance je seray tousjours preste a vous faire cognoistre et ma fidellité et le zelle deu a vostre service et parse que je say monseigneur que par vostre estat combien quil soit monarchie aupres du mien petit vous aves asses apris de quelle prudence et avecq quel prix telles affaires se doyvent conduire ». Elle lui envoie son secrétaire avec le sieur de Beaupin pour exprimer tous ses sentiments au Roi, qu’elle supplie de « le croire de ma part et me tenir en vostre bonne grasse a laquelle je presente mes treshumbles recommandassions et suplie Dieu daussy bon cueur comme je me rejouis de la paix quil vous a plu nous donner quil la veulle rendre aussy heureuse que de sainct zelle Vostre magesté sy est employee »…

 

005 CHARLES IX (1550-1574) Roi de France
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005 CHARLES IX (1550-1574) Roi de France Image

L.S., Saint-Germain-en-Laye 24 février 1573, à M. de Lisle, conseiller et maître des requêtes de son hôtel ; contresignée par Pierre Brulart (v. 1535-1608, secrétaire d’État) ; 1 page in-fol., adresse au verso.

Document historique relatif à l’ambassade en Pologne de Jean de Monluc (1508-1579, évêque de Valence) pour obtenir l’élection comme Roi de Pologne du duc d’Anjou, frère du Roi, et futur Henri III (il sera élu le 11 mai Roi de Pologne et Grand-Duc de Lituanie).

« Encores que apres avoir sceu larrivée de Levesque de Valence en Poloigne je vous aye faict une depesche pour vous fere revenir dedeca a laquelle jay donné adresse par le costé du sr du Ferrier »… Il est bien aise de savoir par sa lettre du 22 janvier qui accompagnait la dépêche de l’évêque que de Lisle est arrivé en sûreté auprès de Monluc, et il « desire que es affaires quil a a traicter pardela (desquelz vous avez aussi la charge) et qui sont ja fort bien acheminez par la grande prudence et dexterité quil y a sceu employer vous lassistiez et demeuriez en bonne intelligence avec luy qui vous en communiquera tousjours amplement ainsi que je le luy escriptz pour y faire tous deux conjoinctement tout ce que par le bon advis dud. evesque de Valence se trouvera plus a propoz pour le bien de mon service luy defferant ainsi quil est bien raisonnable de telle sorte que par ce moyen je puisse recueillir le fruict que jusques icy jay eu occasion de me promettre de ceste negotiation dont le chemin est ja fort bien preparé faisant presentement entendre aud. evesque de Valence quil vous face fournir sur les vingt mil escuz que jay faict tenir par dela par lettres de change aux Sodorinis jusques a la somme de cinq cens escuz pour vous donner moyen de vous y entretenir en attendant que par une autre commodité je vous puisse fere tenir une autre somme »…

 

006 Germain Pilon (1515-1590) le grand sculpteur de la Renaissance
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006 Germain Pilon (1515-1590) le grand sculpteur de la Renaissance Image

P.S. avec dessin, 5 mars 1580 ; parchemin oblong petit in‑4.

Très rare reçu portant la signature du grand sculpteur ornée du dessin d’une tête d’ange.

« Je Germain Pillon sculpteur du Roy et contreolleur general des monnoyes de France » confesse avoir reçu de « Maistre Françoys de Vigny Recepveur de la Ville de Paris » la somme de 20 écus un liard 13 sols 4 deniers tournois du quartier échu de sa rente due par les prévôts des marchands et échevins de la Ville de Paris...

La signature « G. Pilon » est suivi du dessin à la plume d’une tête d’angelot.

 

007 François de MALHERBE (1555-1628) poète
 
007 François de MALHERBE (1555-1628) poète Image

L.A.S. « Malherbe », Paris 15 juillet 1626, à Jean-Baptiste Le Goux de LA BERCHÈRE (1568-1631), conseiller du Roi en ses conseils et Président en sa cour du Parlement de Bourgogne ; 1 page in-fol., adresse au verso avec cachets de cire rouge.

Lettre inédite relative à son fils Marc-Antoine, condamné à mort après un duel, mais pour lequel il a fait appel et vient d’obtenir des lettres de grâce.

[Marc-Antoine de Malherbe (1600-1627) fut un redoutable bretteur, qui donna bien des soucis à son père. En juin 1624, il tue en duel un bourgeois d’Aix-en-Provence, Raymond Audibert ; le 10 octobre, il est condamné par la sénéchaussée d’Aix à avoir la tête tranchée, mais a pu se réfugier à Caen. Malherbe porte l’affaire en appel devant le Parlement de Bourgogne, mais obtient en juin 1626 de Louis XIII des lettres de grâce, qui seront enregistrées le 13 février 1627, après indemnisation de la veuve d’Audibert. Hélas, le 13 juillet 1627, Marc-Antoine est tué dans un duel près d’Aix-en-Provence contre le baron de Bormes et Paul de Fortia de Piles ; ses meurtriers sont condamnés à mort en août par la sénéchaussée d’Aix, et Malherbe n’aura de cesse d’obtenir l’exécution de leur peine ; mais ayant appris en septembre 1628 qu’ils ont obtenu leurs lettres de rémission, il meurt le 6 octobre.]

« Si Monsieur le duc de Bellegarde [Roger de Saint-Lary, duc de BELLEGARDE, Grand Écuyer de France] estoit icy, je seroys hors de l’apprehension de vous estre importun. Je vous escrirois pour moy, et sa recommandation assistant mon impudence, la feroit trouver sinon juste au moins plus supportable. Il est depuys Jeudy dernier a la Court, je luy escry par un courrier quil a envoyé icy expres pour scavoir des nouvelles de Made sa femme. Mais il ne part que demain, & a ce compte là il sera malaisé que j’aye les lettres que je luy demande assez à temps pour l’affaire dont il est question. L’affection que vous avez aux bonnes causes suppleera sil vous plaist au deffaut de la priere quil vous auroit faite & le remerciment quil vous en fera vous sera tesmoin qui ne me me desavoue point, et que je n’ay point pris son nom a fausses enseignes. Mon filz se va rendre au terme qui luy a esté donné par l’arrest du parlement pour jouyr de la grace qu’il a pleu au Roy luy faire. Vous estes Monsieur le principal directeur des voluntez de vostre compagnie. Je vous supplye treshumblement qu’il se ressente de la protection d’un si digne & si puissant magistrat comme vous estes. Si je suys en quelque consideration, et que j’ay bien de la faveur a esperer, j’y adjousteray Monsieur, que par une obligation qui ne peut estre plus grande vous mettrez jusqu’a son dernier point la volonté que j’ay d’estre tant que je vivray Vostre serviteur treshumble »…

Ancienne collection Albin SCHRAM (Londres 3 juillet 2007, n° 115).

008 John BLOW (1649-1708) organiste et compositeur anglais
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P.S. « Jo: Blow », 5 septembre 1683 ; le document est écrit et contresigné par son secrétaire John Ellis (contresigné aussi par Andrew Oswald), 1er septembre 1683 ; 1 page in-fol. avec son sceau sous papier (4 petits trous) ; en anglais.

Rarissime document du grand compositeur anglais, maître de Purcell.

John Blow, Directeur de la Musique et maître des Enfants de la Chapelle Royale du Roi Charles II (« Dr of Musick & Master of the Children of his Mats Chappell »), nomme et autorise Edward Braddock, de Westminster, l’un des gentilshommes de ladite Chapelle Royale de Sa Majesté, à recevoir des officiers et ministres de l’Échiquier toutes les sommes d’argent qui pourraient venir à échéance ou lui être dues, par brevet ou autrement, notamment sur ordre de Sa Majesté. Il autorise Braddock à faire et à distribuer des quittances en son nom, et de faire tous actes nécessaires pour décharger comme il l’eût fait lui-même les sommes  à lui dues, pour ses pensions, allocations ou salaires, sur ordre de Sa Majesté, et de recevoir cet argent en son nom et sur quittance... En témoigne ce document écrit de sa main et auquel il a apposé son sceau ce 5 septembre dans la trente-cinquième année du règne de notre souverain Lord Charles II, par la grâce de Dieu roi d’Angleterre, Écosse, France et Irlande, défenseur de la Foi, etc., Anno Domini 1683…

[Edward Braddock était gentilhomme de la Chapelle Royale depuis 1660 ; nommé maître des choristes de l’abbaye de Westminster en 1670 et « clerk of the Cheque » en 1688, il mourut en 1708. Sa fille Elizabeth avait épousé John Blow en 1674, et mourut après neuf ans de mariage, l’année même de ce document, lui ayant donné cinq enfants, tous morts en bas âge. Cette même année, on avait représenté à la Cour le chef-d’œuvre de Blow, le « masque » Venus and Adonis.]

C’est, semble-t-il, le seul document de John Blow en mains privées (vente Sotheby’s, Londres 30 juin 1974, n° 383).

 

009 LOUIS XIV (1638-1715) Roi de France
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009 LOUIS XIV (1638-1715) Roi de France Image

L.A.S. « Louis », Versailles 6 novembre 1683, « a mon fils le conte de Vermandois » [Louis de Bourbon, comte de Vermandois (1667-1683), prince légitimé, amiral de France] ; 2 pages in-4, adresse avec cachets de cire noire aux armes sur lacs de soie violette.

Très rare lettre entièrement de la main du Roi à son fils, dernier de ses six enfants nés de la duchesse de La Vallière, âgé alors de 16 ans et faisant le siège de Courtrai [Vermandois mourut 12 jours plus tard, le 18 novembre, au siège de Courtrai qu’il menait sous les ordres de Vauban].

« Jay receu la lettre que vous maves escrit du camp devant Courtray. Je suis fort satisfait du compte que vous me randez de la marche du camp et des postes aux environs de la place aussi bien que de l’attaque. Continués a vous appliquer comme il me paroist que vous faistes. Soiés assuré de mon amitié quand vous feres aussi bien que je le desire et souvenés vous que pour me plaire il faut mieux faire en tout que les autres. Continués a me mander tout ce qui se passe en destail et sil se peut voiés par vous mesme ce que vous me manderés »...

010 Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ (1626-1696) la grande épistolière
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010 Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ (1626-1696) la grande épistolière Image

L.A.S. (paraphe), Livry 25 octobre [1686], au Président Philippe Moulceau à Montpellier ; 13 pages in-4 (transcription ancienne jointe).

Lettre exceptionnelle, très longue et belle lettre amicale, de treize pages, donnant des nouvelles familiales. Les lettres autographes de la marquise de Sévigné sont de la plus grande rareté, surtout de cette longueur.

  Elle a reçu sa lettre : « elle fust presentee a moy come sy vous voulies me faire quelque honte de mon silence, et me faire croire que jay esté malade, pour rentrer en discours avec moy. Elle ma fait souvenir dune jolie comedie, ou quelquun qui veut avoir un eclarcissemen avec celle qui entre, luy fait croire quelle lapelle, et rentre ainsy en conversation […] je ne puis jamais comprendre comme vous estimant come je [fais] me souvenant de vous avec tant dagrement, en parlant sy volontiers, ayant tant de goust pour votre esprit, et pour vostre merite, pour ne rien dire de plus, crainte des jaloux, je puisse avec toutes ces choses, sy propres a faire un comerce vous laisser sept ou huit mois sans vous dire un mot, cela est epouvantable, mais quimporte demeurons dans ce libertinage, puisquil est compatible avec tous les sentimens que je viens de vous dire ». Puis elle l’entretient d’amis ou de connaissances communes : elle a rencontré M. de La Trousse avec lequel elle a parlé de Ménage et elle partage leur estime réciproque : « Je le trouvé tout instruit, et touché autant quon le peut estre de tout ce que vous valez »… Elle sait que Moulceau doit avoir près de lui M. de Noailles [lieutenant général en Languedoc, dont les États s’assemblent alors à Nîmes] : « vous estes si bien a cette Cour, que je veux me rejouir avec vous, du plaisir que vous aures de voir un home a qui vous aves inspiré une sy forte estime. Je comprens le derangement que vous fait celuy de vos états mais vous ne pouves vous dispenses daller a Nimes ».

Elle lui parle longuement de Mlle de Grignan (Louise-Catherine, née en 1660, fille aînée en premières noces [avec Angélique-Claire d’Angennes] du comte de Grignan, gendre de Mme de Sévigné) : « je supose que vous saves quelle est entrée aux grandes Carmelites il y a huit mois, pris habit en seremonie avec un zele trop violent pour durer, dans les trois premiers mois, elle sest trouvée sy acablee de la rigueur de la regle, et sa poitrine sy offancée de la mauvaise nourriture, quelle estoit contrainte de manger gras par obeissance. Cette incapacité de faire cette vie, mesme dans le noviciat, la obligee de sortir, mais avec une devotion, une humiliation de sa delicatesse, et une sy grande haine pour le monde, que les stes religieuses ont conservé pour elle, une tendre et veritable amitié, et elle qui na changé que dhabit, et point du tout de sentimens, na point la mauvaise honte de celles qui veulent changer de vie, et elle est presentement avec nous icy, tout come a lordinaire, et nous donnant la mesme édification. Elle demeure a Paris, aux Feuillantines ou elle est pensionnaire comme beaucoup dautres. Elle y retournera a la St Martin, quand nous irons a Paris, et ce qui latache a cette maison, c’est le voisinage des Carmelites, ou elle va quasy tous les jours, et y entre, quand il y a quelque princesse, elle prend tout ce qui luy convient de ce st couvent, cest adire, la spiritualité et la conversation, et laisse la rigueur de la regle, dont elle nestoit pas capable. Cest ainsy que Dieu la conduitte, et la repoussée doucement de ce haut degré de perfection ou elle aspiroit, pour la soutenir dans un autre un peu au dessous, qui ne peut estre que tres bon, puisquil luy donne la grace de laymer uniquement, qui est tout ce quil y a dans ce monde a souhaitter. Mais, cette mesme providance luy a inspiré la plus belle, la plus juste, et la plus estimable pensée quil est possible dimaginer pour sa famille, elle na point voulu que son retour à la vie, ostat a Mr son pere, ce quelle vouloit luy donner par cette mort civile, elle luy a fait, a sa sortie, une donation entre vifs, tres bien conditionée, et insinuée, de quarante mil ecus quil luy devoit, savoir vint mil ecus en fons, et vint mil ecus darerages et de quelques somes prestées. Ce present a este estimé de tous ceux, non seulement qui ayment Mr de Grignan, mais de ceux qui savoient que tout son bien estant devenu meuble a 25 ans sy elle nut disposé de rien par testament alloit quasy tout entier a son pere, et que de plus, Mr de Grignan devra encore quatre vingt mil ecus a Melle d’Alerac [Julie-Françoise, seconde fille (en premières noces) du comte de Grignan, qui épousera le marquis de Vibraye], en comptant le fons du douaire de quarante mille ecus. Cest assez honnestement pour ne pas plaindre la sœur, et pour estre bien aise, que cette maison soit soulagée de ce double payement ». Mme de Sévigné a été très touchée de ce geste : « jadmire que son bon naturel luy ait fait faire sans art, la seule chose qui estoit capable de luy redonner du pris, dans sa famille, ou elle est presentement agréée et considerée come la bienfaitrice. Lesprit seul auroit du faire cet effet, dans une autre personne, mais il vaut mieux que le cœur tout seul y ait eü part. Ma fille a sy joliment contribué a cette petite maneuvre, quelle en a eü un double joye, le chevalier [Joseph de Grignan, frère du comte] y a fait aussy des merveilles, car vous jugez bien quil a falu ayder, et donner une forme, a toutes ces bonnes volontés. Enfin tout est a souhait. Melle d’Alerac mesme a fort bien compris la justice de ce sentiment, je prie Dieu quil len recompense par un bon établissement, dont la providance nous cache tellement encore toutes les aparances que nous ny voyons rien du tout »… Mme de Sévigné plaint son correspondant d’avoir dû subir ce long récit : « vous aurez une indigestion de Grignans »…

Puis elle donne des nouvelles des Sévigné. Son fils Charles est enfin guéri « apres cinq mois dune soufrance par des remedes, qui le purgeoient jusques au fond de ses os, enfin le pauvre enfant sest trouvé dans une tres parfaite santé. Il a passé le mois doust entier avec moy dans cette solitude que vous connessez, nous estions seuls, avec le bon abé [de Livry], nous avions des conversations infinies, et cette longue societé, nous a fait un renouvellement de connessance, qui a renouvelé nostre amitié. Il sen est retourné chez luy, avec un fons de philosophie cretienne, chamaré dun brin danacorette, et sur le tout, une tandresse infinie pour sa femme, dont il est aymé de la mesme façon, et qui font, en tout, lhome du monde le plus heureux, parce quil passe sa vie a sa fantaisie » [en 1684 Charles de Sévigné avait épousé Marguerite de Mauron dont la dot lui avait permis de quitter sa charge militaire]. Elle explique comment vingt fois elle et lui ont voulu écrire à Moulceau, mais chaque fois « un démon vient qui nous jette une distraction, et qui nous oste cette bonne pensée, que peut on faire a ces sortes de malheurs. Mon pauvre monsieur, peutestre connessez vous le chagrin davoir de bonnes intantions sans les executer ».

Elle évoque enfin « nostre cher jaloux » [Jean Corbinelli] qui voudra peut-être passer l’hiver avec Moulceau : « Vous en serez bien aise, vous en rirés, et jen pleureray, car cest une sy intime confiance, et une sy veritable amitié, que celle que jay pour luy, quon ne peut perdre la presence dun tel amy, sans sen apercevoir a tout moment. […] Jayme que cet atachement continue, vous y ferez fort bien, et je conte beaucoup, pour notre amy le plaisir de vous revoir, et de se renouveler dans vostre cœur ». Et elle conclut ainsi cette longue lettre de 13 pages : « Je ne vous écris pas souvent, mais vous mavoürez que quand je my mets, ce nest pas pour rien ».

Correspondance, Bibliothèque de la Pléiade, éd. R. Duchêne, n° 944, t. III, p. 260-263, d’après le texte imprimé dans les Lettres nouvelles de 1773, et non d’après ce précieux autographe.

 

011 VOYAGES
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Manuscrit de lettres de voyage, principalement sur l’Italie et en Europe, avec 7 dessins à la plume, dont 6 aquarellés, [vers 1695] ; un vol. in-8 (15,5 x 10 cm) de 294 pages (plus 46 blanches), remboîtage dans une reliure ancienne en vélin ivoire à rebords, boîte moderne en maroquin noir.

Intéressant recueil de lettres de voyage en Italie et en Europe, datées du 27 avril au 9 octobre 1695 (une porte la date, hors texte, du 12 mai 1688).  Une note en tête indique : « La pluspart des lettres renfermées dans ce Tome sont adressées à Sa Grace Milord Jean Tillotson Archevêque de Cantorbery Primat du Royaume de la G.B. » [John Tillotson (1630-1694), doyen de la cathédrale Saint-Paul, fur archevêque de Canterbury de 1691 à sa mort.]

Le manuscrit, d’une écriture serrée mais bien lisible, rassemble 13 lettres, complétées par 5 notices.

Ces textes sont l’œuvre d’un érudit qui s’intéresse fort à l’histoire et à l’archéologie (il se plaît à citer des inscriptions et des auteurs latins), mais aussi aux légendes et aux traditions locales. Il donne de nombreux détails sur les vestiges antiques et monuments contemporains à Rome (un dessin représente la chaise percée de Saint-Jean de Latran), Viterbe, Sienne, Pise, Livourne « la marchande », Lucques « la jolie », Pistoia, Florence « la belle », Bologne, Modène, Reggio, Parme, Plaisance, Crémone, Bozzolo, Mantoue, Brescia (« Bresse », où « l’oriflame de Constantin », conservée à la cathédrale, fait l’objet d’un dessin exécuté d’après les remarques du sacristain), Bergame, Milan « la grande » (où il dessine, et explique de plusieurs manières, un serpent de bronze sur une colonne de marbre, et où il découvre un manuscrit de dessins de « Mechaniques » de Léonard de Vinci), Pavie, Gênes « la superbe », Turin, etc. Avant de quitter le pays, l’auteur rédige « Diverses observations sur l’Italie », où il livre des impressions familières du caractère du peuple, ses femmes, sa cuisine, son habitude de la sieste, les dangers que l’on peut rencontrer dans le pays (scorpions, tarentules, voleurs de grand chemin), etc. Puis il passe successivement à Suze, Chambéry, Genève, Lausanne, Berne, Bâle, Fribourg, Strasbourg, Spire, Mayence, Aix-la-Chapelle, Maestricht, Liège, Louvain, Bruxelles, Malines, Anvers, Gand, Bruges, Dunkerque, Gravelines et Calais.

À la suite de ses pérégrinations, il donne une brève et savante « Histoire de l’escalade de Genève » qu’il illustre d’une échelle d’assaut, et un récit « Touchant le Vésuve », à propos du tremblement de terre de juin 1688 et d’éruptions plus récentes. L’ensemble est complété par un « Itineraire ou Indice alphab. des principales villes d’Italie », table des principales villes d’Italie et de la distance qui les sépare, avec quelques brefs commentaires, des abréviations et des étoiles ; et un itinéraire : « Chemin de Paris à Lyon par le Gastinois Nivernois et Bourbonnois ».

D’autres dessins illustrent ces pages : une croix et une inscription reproduites d’après un tombeau à Rome ; un diamant ; des pilotis dans le Rhône qui facilitent la pêche de la truite.

Ex-libris Giannalisa Feltrinelli.

 

012 Françoise d’Aubigné, marquise de MAINTENON (1635-1719) épouse secrète de Louis XIV, fondatrice de la maison de Saint-Cyr pour les jeunes filles. 
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012 Françoise d’Aubigné, marquise de MAINTENON (1635-1719) épouse secrète de Louis XIV, fondatrice de la maison de Saint-Cyr pour les jeunes filles.  Image

L.A.S. (paraphe), Meudon 14 avril [1711, à Catherine Travers du Pérou (1660-1748); 4 pages in-8.

Recommandations à la Supérieure de la maison d’éducation de Saint-Cyr, le jour même de la mort du Grand Dauphin [Louis de France, Grand Dauphin (1661-1711), fils aîné de Louis XIV, mourra de la variole le soir même à 23 h 30, à Meudon. Saint-Simon a raconté sa mort, dans une page saisissante des Mémoires].

« La petite verole de Mgr va a souhait il en a beaucoup au visage il est presque sans fievre, et si ce mal ici devenoit dangereux ce seroit une grande trahison.

Le Roy sennuye un peu il alla hier se promener a Marli.

Je passai le jour dans mon lit avec un reste de fievre et une medecine jamais jour ne ma paru plus long je receus beaucoup de visittes je ne pouvois escrire ni travailler je suis accablee de lettres et je nai point M. d’Aumale [sa secrétaire].

Nous irons dicy a Marli pour trois semaines et Mgr demeurera a Meudon 40 jours. Je ne sai veritablement quand je pourrai aller a St Cir, lair mi paroist empesté et je crains pour nos princes.

Quand je pense aux precautions que jai pris pour Janette, et quelle a eü la rougeole, je deviens plus timide.

Vivons au jour la journée et faisons le mieux que nous pourrons. Vous avés grand besoin de courage ma chere fille pour soutenir tant dembaras, cest dans ces occasions la qu’il faut susprendre tout ce qui n’est pas dune necessité absolue.

Ne laissés pourtant pas manquer douvrage a celles des demoiselles qui ne sont pas en estat de vous aider dans le coin des malades et dans tout ce que vous avés a faire dans la maison.

C’est a cette heure quil faut que les dlles balayent leurs dortoirs leurs classes le chœur &c affin que les sœurs puissent aller ailleurs. Mais dans ces travaux il en faut mettre huit ou il nen faudroit que quatre. […]

Jespere que ma Sr de St Pars ne se tiendra pas tranquile a la sacristie.

Prenés bien garde aux personnes du dehors et faittes en entrer le moins que vous pourrés. Loccasion fait le larron.

Consultés ma Sr de Glapion sur ce remede elle est raisonnable, elle en a lexperience, son estat est singulier, suivés son inclination, je crains quelle ne se fatigue trop.

Écrivés moy ma chere fille ou vous mesme ou par quelqu’autre je voudrois bien ne pas passer un jour sans entendre parler de St Cir »…

013 Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778) écrivain
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Manuscrit autographe, [Les Femmes de l’histoire de France; 123 pages in-4 sur 64 ff. montés sur onglets en un volume petit in-4 et non rognés, reliure cartonnée papier gris, pièces de titre maroquin rouge sur le plat sup. et au dos.

Importante étude inédite sur les Reines qui marquèrent l’histoire de France, depuis les Mérovingiens et Berthe, femme de Pépin le Bref, jusqu’à Marie de Medicis. Toute l’étude est empreinte d’un féminisme avant la lettre, et d’un souci de justice envers ces femmes d’exception, dont Rousseau parle avec une sympathie qui n’exclut pas la rigueur. Ces notes ont été rassemblées par Rousseau en vue de l’ouvrage sur les femmes que Rousseau entreprit entre 1746 et 1750 pour sa protectrice Mme Louise Dupin (1706-1799) et qui ne vit jamais le jour. Il est écrit à l’encre brune sur papier vergé sur la moitié droite des pages, de la belle écriture de Rousseau, avec des pages intégralement biffées, ou fortement modifiées, avec des additions remplissant la colonne de gauche, de la main de Mme Dupin ou de Rousseau lui-même.

La source principale de Rousseau est l’Histoire de François Eudes de Mézeray ; l’écrivain cite aussi l’Histoire de France, contenant le règne des rois des deux premières races de Louis Le Gendre. Son ordre n’est pas strictement chronologique, et Rousseau ne prétend pas à l’exhaustivité. Environ cinquante femmes des dynasties des Mérovingiens, Carolingiens, Capétiens et Valois sont passées en revue, jusqu’à la première Reine des Bourbons, Marie de Médicis, avec quelques digressions pour tenir compte d’autres personnalités marquantes : Jeanne Hachette, défenseur de Beauvais ; Madeleine de Senneterre, redoutable adversaire du lieutenant en Auvergne d’Henri III, Montal ; Mme de Châtillon, de Châtillon-sur-Loing, qui défia les Ligueurs ; les Rochelaises qui défendirent leur ville assiégée… Rousseau dépeint ces femmes comme sages, prévoyantes, courageuses, habiles en diplomatie, promptes à agir, parfois dangereuses, d’excellents défenseurs du royaume et des rois, – souvent méconnues, voire calomniées, mais presque toujours admirables. Aussi conteste-t-il fréquemment les jugements de Mézeray : « Il ne faut pas être grand critique pour sentir qu’une telle réfléxion sent l’injustice »... « Est-il incontinent de se marier ? Est-il décent que l’histoire parle ainsi »... « Mezerai parle de cette dernière comme d’une femme de mauvaise vie »... « Mezerai parle si indécemment que nous ne pouvons nous empescher de répéter à cette occasion que la vérité et l’intérest de l’histoire souffrent trop de la licence avec laquelle on se permet de parler des femmes »... « Mezerai ne s’épargne pas à propos de ces règnes de dire que l’ancien esprit des François ne pouvoit souffrir la domination d’une femme. On n’apperçoit, cependant, aucun trait qui puisse fonder cette réfléxion, quoiqu’il insinue que dans les Etats tenus à Pontoise en 1561 les Deputés en étoient occupés »... Plus généralement, il condamne le « faux zèle » des historiens pour la loi salique...

Citons quelques extraits des portraits de Rousseau. Berthe aux grands pieds, femme de Pépin le Bref. « Sous cette race [les Carolingiens] les femmes ne furent pas privées de pouvoir et plusieurs s’en montrèrent dignes. Berthe fut couronnée solemnellement avec Pepin son mari. Ils vécurent dans la plus grande union ne se separant jamais l’un de l’autre. Cette Princesse accompagna Pepin dans ses guerres en Aquitaine et en Allemagne. Mezerai lui donne sans hesiter le titre d’Héroïne. Après la mort de Pepin il y eut de la dissention entre ses fils Charles et Carloman elle sut empêcher que cela n’allât jusqu’à une discorde ouverte employant à propos son autorité et ses remontrances »... Ogive de Wessex, fille d’Édouard I d’Angleterre, seconde femme de Charles III le Simple. Rappelée d’exil avec son fils Louis IV, après la mort de son mari et celle de Raoul de Bourgogne, elle fit face à plusieurs rébellions avec courage, « combattant et marchant à la tête de ses troupes qu’elle conduisoit hardiment d’un côté tandis que son fils les ménoit de l’autre ; de sorte, dit Mezerai, que cette Princesse eut un courage viril jusqu’à 65 ans qu’elle retomba dans sa foiblesse naturelle en épousant Albert. Ce mariage dit-il si honteux à la Reine montre que ce sexe aime toujours avec manie et n’est que fort rarement aimé sans deshonneur. Cela ne montre-t-il pas encore plus clairement qu’un auteur est fou de l’envie de dire du mal des femmes »... Frédégonde et Brunehaut, Reines Franques, font l’objet d’un récit complexe. « Frédégonde se trouvant seule chargée du poids du sceptre dans un tems si orageux ne perdit point courage. Elle sut faire face à la puissance de Childebert. Elle lui surprit deux places Braine et Soissons qu’il avoit lui-même surprises quelques années auparavant. Childebert envoya une armée pour reprendre ces places avec ordre à ses généraux de poursuivre Frédégonde et de la lui amener vive ou morte ; elle assembla ses troupes et alla à leur tête au devant des Austrasiens, elle remporta en personne une victoire signalée sur eux, les poursuivit jusqu’à Reims ; et elle revint à Soissons chargée de gloire et de dépouilles. Le Gendre [...] ajoute qu’il ne resta à Childebert que la honte d’être vaincu par une femme et par un enfant. Cette refléxion est-elle judicieuse ? [...] est-il plus glorieux d’être vaincu par un Général mâle que femelle »... Éléonor [Aliénor d’Aquitaine], femme de Louis VII le Jeune. « Cette Princesse, outre ses grands héritages avoit des prétensions sur le Comté de Toulouse. Elle sollicita le Roi de les faire valoir. Ce fut sans doute aussi l’avis de son Conseil mais parce que l’entreprise ne reussit pas pour le moment la Reine est nommée seule et blâmée de ce projet. St Bernard exhorta le Roy à se croiser, la Reine Mère [Alix de Savoie] et la Reine le suivirent ; il mena en Orient un tiers de ses sujets dont il ne revint pas la 10e partie. Dans cette croisade des escadrons entiers de femmes s’étoient croisés et n’avaient pas cru faire assés de prendre la croix : mais avoient voulu prendre les armes pour la deffendre. Elles composèrent des troupes de leur séxe qui rendent croyable tout ce qu’on a écrit des Amazones. Ce sont les termes de Mezerai. Ne retrouve-t-on pas dans tous les siècles assés d’evenemens où les femmes se montrent capables du courage militaire, pour qu’il soit absurde d’établir que c’est par incapacité qu’elles ne font pas la guerre »... Alix [Adèle] de Champagne, troisième femme de Louis VII, « couronnée Reine en 1158 dans l’Eglise de Reims. Elle étoit belle et vertueuse, et ornée d’une excellente éducation qu’elle avoit receuë à la cour de Thibaut son père. Cette Princesse étoit splendide et liberale selon l’humeur de sa maison qui se trouva conforme à celle du Roy. Louis 7 mit dans son Palais et dans sa suitte une pompe plus grande et plus convenable que celle de ses prédecesseurs. Alix aimoit les beaux arts, elle s’amusoit de la Poësie et de la Musique. Elle récompensoit liberalement les travaux de l’esprit. Enfin cette Princesse étoit généralement bonne ; elle fut généralement aimée »... Marie de Moravie [Agnès de Méranie], troisième femme de Philippe II Auguste, répudiée après que le Roi eut repris sa deuxième femme, Ingeburge de Danemark, l’emmenant de sa prison « en croupe derrière lui à Paris ». Malgré la légitimation de leurs enfants, elle « mourut de douleur de ce que son mariage n’avoit pas été légitime. Ces sortes d’actions sont-elles justes ? S’il y avoit à tels divorces de grands motifs pour les Etats et que les bons procedés fussent alors observés, ce pourroit être le cas d’un accomodement avec le Ciel et avec la terre, mais sur de simples fantaisies qu’on fait valoir avec rigueur n’est-on pas blamable ? Philippe Auguste fut un grand Prince. Il a mérité les louanges qu’on lui a données : mais il a mérité aussi des reproches qu’on ne lui a pas faits. On peut dire qu’il fut un très méchant mari, et cela doit être de quelque valeur dans le caractère »... Blanche de Castille. « Louis 8 fut sacré à Reims avec sa femme Blanche de Castille. Ils vécurent ensemble 26 ans dans la plus grande union. Blanche se montra si capable de raison et de bon conseil dès sa plus grande jeunesse que même du vivant de Philippe-Auguste [son beau-père] elle étoit écoutée et consultée. À la mort de son mari son regret fut extrême comme l’avoit été sa tendresse. On peut dire que l’union de ces Princes fut un modèle parfait de la societé du mariage. [...] Elle fut declarée tutrice du Roy son fils, et Régente du Rme. Quoique tous les historiens ayent peint cette Princesse comme une femme d’un grand esprit d’un grand courage et en un mot digne de régner, quoique son gouvernement fut juste et doux, les Princes se liguèrent contre elle [...]. Elle sut y resister et réduire les plus mutins ; elle entreprit une guerre à laquelle Philippe Auguste sembloit n’avoir osé toucher. [...] Blanche fit si bien qu’elle écarta les conjurés, qu’elle se débarrassa de toutes les factions, et qu’elle rendit son fils le plus puissant Prince de l’Europe. Les guerres qu’elle entreprit tournèrent à sa gloire. Elle accompagnoit toujours son fils à la tête de ses armées »... Marie d’Anjou, « femme de Charles 7 fut parfaittement belle et eut beaucoup d’esprit et de prudence dont les Conseils profitèrent souvent. Elle rassuroit par sa constance les esprits troublés, et savoit fournir des expédiens au besoin. Elle découvrit souvent les desseins des ennemis et souvent les arrêta. Ses remontrances empeschèrent le Roi de se retirer en Dauphiné et d’abandonner les terres de deça la Loire. Elle bannit beaucoup de vices de la cour, et par ses bons exemples y établit les vertus contraires. Le Roi la considéra et l’aima près de 20 ans, au bout desquels il prit du gout pour différentes maîtresses »... Anne de Bretagne, « deux fois Reine de France et constamment digne d’être assise sur le trône. Elle eut part au gouvernement sous les règnes de ses deux maris, Charles 8 et Louis 12, fut regente dans leur absence ; elle gouverna la Bretagne en particulier ; il semble qu’on lui reproche d’avoir été jalouse de son autorité, comme si l’on oublioit à l’égard des femmes que c’est un devoir des souverains »... Catherine de Medicis. Elle eut « une grande influence dans les affaires du gouvernement sous les règnes de ses enfans et par le tems de ses régences et par la confiance qu’ils eurent en elle. Elle avoit eu précédemment celle de son mari. L’amour qu’il eut pour Diane de Poictiers ne diminua rien de la considération qu’il eut pour Catherine. [...] Il est impossible de concilier ce que l’histoire dit de cette Princesse, elle rend justice à ses talens politiques, mais elle dit qu’elle avoit de l’ambition : cette expression est si impropre pour la personne des Rois que nous ne l’entendons pas. [...] Catherine de Medicis avoit trop de part aux affaires pour n’être pas condannable sur l’horrible massacre de la St Barthelemi, quoique d’autres puissances soient à blamer dans cette occasion puisque les Cours de Rome et d’Espagne en furent complices et ne feignirent pas d’en marquer leur joie, quoique son fils eut 23 ans l’horrible jour de cet événement, quoique la Religion servît de pretexte à cette inhumanité »... Etc.

 

014 René Antoine Ferchault de RÉAUMUR (1683-1757) physicien et naturaliste
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014 René Antoine Ferchault de RÉAUMUR (1683-1757) physicien et naturaliste Image

L.A.S., Paris 16 mai 1753, au médecin et naturaliste suisse Abraham Gagnebin, à La Ferrière par Neufchatel ; 5 pages in-4, adresse avec cachet de cire rouge aux armes (cachet un peu écrasé, fentes et déchirures au feuillet d’adresse, n’affectant pas la lettre).

Belle et longue lettre scientifique.

Il s’excuse du retard à lui répondre : « vous devez etre accoutumé à mon trop peu d’exactitude ». Il voulait également envoyer le thermomètre demandé par le frère de Gagnebin : « Je ne suis assez sur que de ceux qu’on fait chez moy ; Mr Brisson [Mathurin Jacques Brisson (1723-1806, collaborateur de Réaumur puis de Buffon)] qui les gradue avec beaucoup de précision, est chargé de toutes les préparations de ce qui arrive journellement pour mes cabinets, il en a été surchargé depuis le commencement de l’année, et n’a pu trouver le temps de finir le thermometre que je lui avois demandé, que depuis peu de jours ». Il va donc le lui envoyer, dans une boîte trop grande dont il a comblé le vide par « quelques bagatelles […] comme par des bayes dont on tire la cire à Cayenne, et un morceau de cette cire qui tient beaucoup du suif par quelques uns de ces polypiers qui ont été pris cidevant pour des plantes marines, par un lybhophete, par un de ces scarabées de Cayenne dont les femmes prennent les aisles pour se faire des pendants d’oreille, par un autre scarabe de St Domingue »…

Il remercie de l’offre « d’un rat blanc embaumé », mais il en a déjà de cette couleur, « de grands et de petits »…. Puis il en vient aux oiseaux : « Comme j’ignore les oiseaux que votre pays peut fournir, j’ignore aussi s’il en a de ceux qui manquent actuellement à mes cabinets. Je pense pourtant qu’il s’y doit trouver des espèces de vautour de celles dont le col paroist deplumé, et n’a au moins que des plumes très courtes. Ces espèces me manquent. Peutetre avez vous aussi quelques especes de faisans particulieres differentes du faisan noir. Avez-vous les choucas à bec rouge et à bec jaune. Ces sortes de corneilles qui sont dans mon cabinet sont assez mal conditionnées »… Quant au baromètre, il ignore « de combien l’observatoire de Paris est elevé audessus de mon habitation. Ce peut etre de 13 à 14 toises. Cet observatoire est elevé audessus de la mer de quarente ou quarente et quelques toises. On n’a pas cette elevation avec une grande precision n’aiant été mesurée que par le barometre ». Il envoie cependant les observations sur la hauteur du baromètre « pendant les huit premiers jours du mois de mars », observations « faites a cinq heures du matin »… Il ne sait rien de « la construction et de la force de l’aimant artificiel de Le Maire », ni de l’ouvrage du capucin Meliton « sur les carreaux mipartis de deux couleurs »… « Mes intentions par rapport aux descriptions des arts et métiers sont de publier celles que j’ai faites quand j’en aurai le temps. Mais quand puis-je esperer de le trouver ? Je l’ignore. Le temps m’est enlevé par tant d’occupations et de distractions differentes qu’il ne m’en reste pas pour finir et faire paroitre au jour plusieurs ouvrages très avancés ». Puis il évoque la disparition de Laurent Garcin (1638-1752), qui lui envoyait régulièrement les publications helvétiques : « C’étoit un homme veritablement estimable par ses connoissances, et par ses vues utiles au genre humain ». Il termine en donnant les prix de quelques ouvrages scientifiques, dont ceux du père Plumier…

015 VOLTAIRE (1694-1778) écrivain
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015 VOLTAIRE (1694-1778) écrivain Image

L.A.S. « V », aux Délices 22 mars [1756, à François-Louis Defresney, directeur des Postes à Strasbourg] ; 2 pages in-8.

« Mille compliments à toutte votre famille, mon cher correspondant. Madame Denis vous en dit autant.

Je vous supplie de me faire l’amitié de donner cours aux incluses. Si javais eu de la santé, et si javais pu me séparer de Madame Denis jaurais été voir jouer à Berlin l’opéra de Mérope que le roi de Prusse a composé sur certaine tragédie de ma façon, et je serais venu vous embrasser à Strasbourg.

Je vous conjure de vous faire rembourser des petits frais qui peuvent vous être occasionnez par les libertez que je prends avec vous »...

[Voltaire écrit dans ses Mémoires : « Le roi de Prusse est revenu à moi, il m’envoya en 1755 un opéra qu’il avait fait […] C’était sans contredit ce qu’il avait jamais fait de plus mauvais. »]

Correspondance, Pléiade t. IV, n° 4415.

 

016 Friedrich Melchior, baron von GRIMM (1723-1807) diplomate et écrivain allemand, il vécut en France dans le cercle des Encyclopédistes et rédigea la Correspondance littéraire, philosophique et critique
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016 Friedrich Melchior, baron von GRIMM (1723-1807) diplomate et écrivain allemand, il vécut en France dans le cercle des Encyclopédistes et rédigea la Correspondance littéraire, philosophique et critique Image

28 L.A. (dont une signée), 1766-1783 et s.d., à Michel-Jean Sedaine ; 55 pages in-8, plusieurs adresses (tampons des archives Sangnier), une lettre incomplète.

Intéressante correspondance sur l’actualité théâtrale.

29 décembre 1766. Il transmet une lettre sur laquelle il voudrait le sentiment de Sedaine :« Vous direz d’abord que ces gens-là commandent un opéra comique comme une paire de sabots, et j’espère vous nous l’apprendrez bientôt. On dit que cette pièce est faite. Je vous souhaite un musicien digne d’elle. Pour revenir à ma lettre, je vous prie de me mander si vous avez par hasard quelque sujet en tête que vous puissiez abandonner à ces gens-là pour quelques mois. Comme on propose en tout vos pièces pour modèle, j’ai trouvé naturel de m’adresser à vous directement. Ce qui me fait risquer cette démarche, c’est que votre poème serait mis en musique par un très célèbre et très habile compositeur »… Lundi 17 [vers 1778 ?]. Envoi de l’épreuve d’un second acte [de Raimond V ?] : « Je suis bien aise qu’on vous tourmente pour le 3e. Plus l’ouvrage de Constance sera parfait, plus il sera digne d’elle. Je ne suis pas embarrassé de mon rôle parce qu’en dernier ressort je suis toujours pour l’auteur qui connait bien autrement son ouvrage que le lecteur le plus attentif »… Vendredi 26 [octobre 1781]. « Vous pouvez assurer M. Sedaine que sa pièce [Les Journalistes ?] a été jouée et rejouée et demandée et redemandée, et que les représentations en sont très suivies. J’ai reçu sa tragédie que je m’en vais lire avait toute chose »… Samedi 14 juin [1788 ?]. « Vous procédez actuellement à la Diderot d’heureuse mémoire. J’avais demandé un opéra comique, et vous me proposez maintenant deux pièces au lieu d’une, mais destinées pour le grand théâtre et vous oubliez qu’il ne s’agit que d’un théâtre particulier où les chœurs, les ballets et les décorations ne peuvent pas jouer le principal rôle. Si Pagamin est véritablement arrangé en opéra comique, je vous prie de me l’envoyer et je dirai que des occupations indispensables vous ayant empêché de songer à la Bergère des Alpes, vous envoyez cette pièce en attendant »… 15 juin. « J’ai lu votre Pagamin, et je pense que Rosette ferait une jolie sœur cadette à Aline. Elle me paraît tout à fait propre à être mise en musique d’un bout à l’autre et à faire fortune plutôt sur le théâtre de l’Opéra que sur celui de la Comédie italienne »… Ce mardi au soir. « Je compte bien qu’après la première pièce envoyée et jouée nous ferons beau train et que la bombe tombera au milieu des bucherons. Mais au bout du compte ceci n’est que mon idée, et vous êtes bien le maître de vous vanter dès à présent, si vous croyez que cela fasse perdre les cognées ». Il a reçu la veille une lettre impériale [de Catherine II] disant ceci : « Donnez-nous donc au plutôt du Sedaine, du Sedaine gai, car je n’aime pas le triste, et même je m’afflige le moins que je peux des malheurs dont je vois qu’on prend le deuil ailleurs ». Ainsi « vous voyez que si vous ne travaillez pas, ce sera pure malice de votre part »… Jeudi 17 décembre. Relative à sa demande d’appui pour une candidature : « Expliquons-nous, monsieur, et ne badinons pas. Je n’entends rien à la politique, et vous me parlez de celle de l’Académie. La personne au nom de laquelle j’ai osé solliciter humblement votre voix y entend encore moins […]. Je croyais m’adresser à un académicien et vous me répondez comme un membre d’un district ou d’un comité permanent »… Vendredi 18. Suite du différend :« Mais, mais, voyez donc comme l’Académie rend inflammable ! Toutefois si j’étais bien sûr, Monsieur, de vous avoir fâché, j’en serais très glorieux ; je croirais presque avoir un peu de votre génie qui avec des riens sait produire de grands effets. Mon billet et votre colère ! »… Jeudi 13. « Je regarde votre billet comme un engagement, et à moins que vous ne me fassiez dire le contraire, ou me le signifier par huissier […], je lui mande positivement que vous lui demandez votre revanche. Sans doute que nous avons perdu, puisque la pièce n’est pas jouée au moins préalablement car je ne désespère pas qu’elle ne le soit. […] Dites-moi que vous avez un sujet dans la tête […]. Ceux dont l’Impératrice demandait des canevas qui n’ont jamais été faits, étaient 1° Les politiqueurs 2° Les novellistes 3° Le dissipateur 4° L’Étourdi ou bien celui sur la parole de qui personne ne peut compter, parce qu’il est inconséquent, toujours en contradiction avec lui-même et qu’il n’a ni parole ni action fixe 5° Le mauvais maître, n’aimant que lui, injuste, maltraitant des gens, ayant le génie du tyran qui rend méchant tout ce qui l’entoure. À cela j’ajoute qu’on pourrait faire le bon maître, car cela reviendrait au même pour l’effet, pourvu que la pièce reste comique. […] Contentez-moi cette femme, je vous en prie »… Mercredi 18 juin. Remerciements pour son épitre et sa préface à laquelle il a apporté quelques corrections. Il se charge de l’envoi des exemplaires de l’Impératrice et du Prince Henri et « l’ambassadeur de Suède se chargera sans doute de l’exemplaire pour son maître ». Il est également question des livrets de Pagamin et de Philémon et Baucis… S.d. « Je me félicitais hier toute la soirée comme si j’étais l’auteur de la pièce, j’avois aussi l’âme serrée, et je l’ai encore. Si cette pièce n’a pas le plus grand succès sous quinze jours, si l’on n’y court pas comme des fous, si l’on n’en sort pas plein de joie d’avoir fait connaissance avec une si honnête et digne famille, il faut que cette nation soit maudite et que le don de juger et de sentir lui ait été retiré ; mais il n’en sera pas ainsi. […] Soyez sûr qu’une nation dont le recueil de comédies seroit composé de telles pièces, en deviendroit plus respectable et dans le fait meilleure. Quelle foule de mots vrais et touchants, et comme tout porte ! ». Il a été enchanté par le jeu de Préville et MoléMardi matin. « Au lieu de sabrer, couper, tailler, rogner, ajouter, vous me proposez vos idées comme si j’étais l’auteur de la pièce et que je n’eusse qu’à décider, accorder, refuser. […] Mais je ne donne pas dans le panneau et je ne puis prendre ni le rôle de troubadour ni celui de jongleur »… Etc. Et plusieurs courriers accompagnant l’envoi d’épreuves avec ses corrections et suggestions, lettres de félicitations pour les pièces de Sedaine, remerciements pour l’envoi d’exemplaires, etc.

 

017 Thomas-Arthur de LALLY-TOLENDAL (1702-1766) gouverneur des Indes, vaincu par les Anglais ; accusé de trahison, il fut décapité
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017 Thomas-Arthur de LALLY-TOLENDAL (1702-1766) gouverneur des Indes, vaincu par les Anglais ; accusé de trahison, il fut décapité Image

Manuscrit autographe, Tableau historique de l’expédition de l’Inde, [1766] ; cahier de 27 pages in-fol., lié d’un ruban vert.

Mémoire pour sa défense, exposant les difficultés auxquelles il dut faire face et la mauvaise volonté et les défaillances de ses collaborateurs, notamment du comte d’Aché, commandant l’escadre de la mission, du lieutenant-colonel Bussy, qui tenait le Deccan, et du conseiller Moracin, qui commandait la garnison française de Masulipatam. Le manuscrit présente de nombreuses ratures, corrections et additions ; la fin en a été fortement remaniée. Après remaniement et développement, cette relation fut publiée en 1766 sous le titre Tableau historique de l’expédition de l’Inde pour le comte de Lally, contre M. le Procureur Général (Paris, impr. de Simon).

Nommé au mois d’août 1756 pour commander l’expédition de l’Inde, Lally a connu aussitôt des obstacles : un départ retardé, une réduction sévère des forces prévues, et une traversée inhabituellement longue (12 mois), ayant pour conséquence que les amiraux britanniques purent joindre leurs forces et arriver à la côte de l’Inde avant les Français… L’avantage qu’eut le chevalier de Soupire de débarquer à Pondichéry des mois avant tout le monde fut perdu car le sieur de Leyrit [le gouverneur] « l’a tenu pendant ces 8 mois dans l’inaction et a consommé sans fruit l’argent qu’il avoit apporté d’Europe »… Dès son arrivée, Lally livra combat et perdit un vaisseau de 74 pièces de canons. Il assiégea Saint-David avec succès, puis prit Divicottey, mais le comte d’Aché s’était éloigné à 60 lieues de crainte de l’escadre anglaise et refusa de protéger la marche de Lally vers Madras… Là-dessus Leyrit annonça qu’au-delà de 15 jours, il ne paierait ni ne nourrirait l’armée, mais que Lally obtiendrait des fonds en intimidant le Raja de Tanjaour, qui avait une vieille dette à la Compagnie des Indes… Au cours de cette opération infructueuse, Lally fut victime d’une tentative d’assassinat par un général de cavalerie noir parvenu jusque sous sa tente par ruse : l’aventure se solda par la mort de l’assassin et de ses 50 cavaliers… Ayant appris que Pondichéry était menacé, Lally y retourna pour découvrir que le comte d’Aché abandonnait la côte pour se mettre à l’abri à l’Île de France [Maurice], et que Bussy et Moracin refusaient de collaborer à une expédition à Madras, voire d’obéir aux ordres… Lally multiplie les précisions sur les combinaisons échafaudées pour solder l’armée… Il occupa rapidement Madras (13 décembre 1758), mais pendant ce temps, l’escadre de M. de Léguille, qui amenait à Pondichéry 4 vaisseaux du Roi et 3 millions, fut retenue par d’Aché à l’Île de France, alors qu’elle eût été maître de toute la côte de Coromandel, eût empêché la compagnie anglaise de débarquer 600 hommes à Madras, et eût permis de reprendre ce qu’on avait perdu dans le Bengale... « Quelle autre cause cherche t’on donc de la perte de Pond[ichéry] et de toute l’Inde »… Les malheurs s’accumulent : Lally manque de succomber à une « fièvre chaude », une partie de l’armée se révolte, le comte d’Aché reparaît après 13 mois d’absence pour annoncer qu’il part le lendemain pour les îles, et une protestation du Conseil ne réussit qu’à ramener cet amiral à Pondichéry pour quatre jours avant sa disparition définitive, et cela malgré la nouvelle que l’armée venait de gagner une bataille, « evenement qui eut decidé tous les princes du pays en notre faveur sans cet abandon subit de l’escadre »… Il commente avec amertume : « Si toutes ces manœuvres, si toutes les horreurs qui les ont suivies […], si l’attentat à la vie du cte de Lally et à celle de l’intendant de son armée qui les a couronné, paroissent des evenements simples et dus au hasard seul, il est inutil que le cte de Lally ouvre la bouche pour sa deffense »… Et de donner de nouvelles preuves de la perfidie de Leyrit, et de la mauvaise volonté du Conseil à appuyer ses négociations pour approvisionner Pondichéry, et des explications sur « ces fameuses campagnes herisséz de victoires que les srs Bussy et Moracin faisoyent retentir dans les gazettes d’Europe », et qui n’étaient autre chose que la mise à contribution des princes du pays… Enfin, la ville de Pondichéry s’est rendue le 16 janvier 1761, le fort intérieur le 17, et après avoir esquivé de nouvelles tentatives d’assassinat, Lally, malade, fut ramené en Europe dans des conditions indignes, pour passer 15 mois en détention sur la foi d’un libelle, avant d’apprendre qu’il serait jugé pour « des depradations et concussions commises dans l’Inde, comme ayant eté cause de la perte de Pondichery »… Le rapporteur n’ayant rien trouvé qui soutînt cette accusation, on obtint de nouvelles lettres patentes du Roi pour diriger une instruction pour haute trahison. « Mais les temoins qui ont deposé contre le cte de Lally n’ont pas meme osé hasarder le mot d’intelligence entre luy et l’ennemy […], les temoins militaires les plus acharnéz contre luy ont deposé formellement qu’ils ne pretendoyent pas inferer cette pretendue intelligence de sa conduite militaire, quoy que blamable d’ailleurs, et en effet il paroît assez dificile de supposer cette intelligence dans un homme qui a porté tout son bien dans l’Inde, et qui l’a sacrifié pour le soutien de Pond. ; dans un homme qui a laissé au tresor de Pond. 400 mil livres de ses appointements pendant tout son sejour dans l’Inde, pour la deffendre contre ce meme ennemi ; dans un homme enfin qui eut fait une fortune eclatante si il eut pu reussir contre ce meme ennemy, et qui ne s’est attiré la haine de ses accusateurs que parce qu’il exigeoit d’eux de l’aider a se deffendre contre ce meme ennemy »… Il rappelle en outre que l’on n’a jamais inquiété les officiers et employés de l’Inde qui se sont attroupés pour l’insulter, et pour tuer l’intendant de l’armée… Et de livrer les conclusions que l’on devrait tirer de sa conduite : « pendant que le sr de Leiryt a payé son armée, il s’est emparé malgré la deffaite de Mr d’Aché et la superiorité de l’ennemy sur mer de toutes les places maritimes que cet ennemy possedoit dans le sud de Pondichery […]. Qu’avec 2700 hommes il a osé assieger, et n’a pu prendre Madras, place forte qui avoit 5 mil hommes pour sa deffense, et qui en outre avoit la mer libre. Que l’armée que l’ennemy avoit en campagne a tenté 4 fois de luy faire lever le siege, et que 4 fois il l’a repoussé et l’a dissipé entierement. Que malgré le mecontentement d’une armée menaçant a chaque instant de passer a l’ennemy et qui s’est revoltée deux fois sur ce qu’elle n’etoit pas payé, le cte de Lally s’est emparé d’un fort jugé imprenable que l’ennemy occupoit dans l’interieur du pays, et que deux mois apres il a battu ce meme ennemy qui est venu l’attaquer sous Vandavachy. […] Que reduit a 700 hommes de troupes regléez contre 15 mil hommes de troupes de terre et 14 vaissaux il a eté contraint de se rendre à l’ennemy apres un blocus et un investissement de 9 mois, et qu’il ne s’est rendu que quand il ne luy a pas resté un grain de ris ou aucune autre espece de nourriture pour sa garnison déjà extenuée »…

On joint la copie mise au net, avec une longue addition autographe à l’avant-dernière page (cahier de 28 pages in-fol., lié d’un ruban bleu).

 

018 Augustin PAJOU (1730-1809) sculpteur
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018 Augustin PAJOU (1730-1809) sculpteur Image

Feuille avec 5 dessins originaux, plus une note autographe ; 25 x 17 cm ; et demi-page in-8.

Précieux et rare feuillet rassemblant cinq dessins à la pierre noire, plume et encre brune, portant d’un côté, cinq bandeaux des « ornemens des loges de la salle d’opéra de Versailles » à laquelle Pajou travailla en 1768-1770 : cinq des « treize bas-reliefs des deuxièmes loges déployant des sujets tirés d’ouvrages lyriques spirituellement joués par des enfants » (Guilhem Scherf, Pajou sculpteur du Roi, 1997, p. 117), présentant des variantes avec le décor définitif. [Un fragment d’une autre feuille, provenant également de ses héritiers, avec seulement les croquis de deux bas-reliefs (Renaud et Armide et Pygmalion et Galatée), fut vendue à New York, Christie’s, 12 janvier 1995, n° 184, 10.000 $]. Notre feuille est annotée à l’encre par le petit-fils de Pajou, le peintre Augustin-Désiré Pajou (1800-1878) : « ornemens des loges de la salle d’opéra de Versailles exécutés par Augustin Pajou ».

Ces cinq dessins sont à la mine de plomb, puis repassés à l’encre brune ; ils sont annotés au crayon par Pajou, au-dessus de chaque bandeau.

« premier bas relieffe a gauche adossé a la Loge du Roy » : il représente le Triomphe de Bacchus.

« Segond » : il représente la Musique.

« Troisieme » : il représente la Danse et les Plaisirs ; dans la marge, Pajou a noté la dimension « 119 Pouce ».

« 4 », représentant l’Astronomie.

« 5 », représentant la Peinture, annoté au-dessous : « Le dernier du costé de l’avant scène ».

Au dos, figurent d’autres croquis d’ornements architecturaux, à la mine de plomb (un repassé à l’encre), avec les cotes : frise, dessus-de-porte au chiffre du Roi tenu par des amours, stèle, etc.

Note autographe, « pour donner au bronze la coulleur entique. Il faut premierement faire recuire et faire derocher a blanc et puis après le frotter de vinaigre et le faire sécher au soleille ou au feu. Ensuite on prend un once d’esprit de nitre et un once d’esprit de vitriol et des gros de sel de tartre avec cette miction on en frote le bronze qui devient de la coulleur ci-dessus dit ».

Cette note est certifiée au-dessous par le petit-fils de Pajou, le peintre Augustin-Désiré Pajou (1800-1878).

 

019 Anne-Robert-Jacques TURGOT (1727-1781) économiste, intendant de Limoges, puis contrôleur général des Finances
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019 Anne-Robert-Jacques TURGOT (1727-1781) économiste, intendant de Limoges, puis contrôleur général des Finances Image

L.A., Paris 6 juillet 1776, [à Voltaire] ; 2 pages et demie in-4.

Belle lettre à Voltaire, après sa démission forcée des Finances (13 mai 1776).

Il a reçu la lettre de Voltaire par l’intermédiaire de M. de Vaines pendant son séjour chez la duchesse d’Enville, à La Roche Guyon. « On ne peut etre plus touché que je le suis de toutes les marques d’amitié que vous me donnés depuis ma retraite. Si je puis un jour aller vous en remercier a Fernei, ce sera un emploi fort doux du loisir qu’elle me laisse, et c’est une esperance a laquelle je serois bien faché de renoncer. J’ai trouvé en arrivant a Paris un nouveau sujet de remerciment. Mr Trudaine m’a remis l’epitre charmante que vous luy avés envoyée pour moi. Je suis fort loin d’ignorer le prix de la gloire, et il faudroit y etre plus qu’insensible pour n’etre pas infiniment flatté d’un pareil eloge venant d’un homme qui en a tant merité »… Il parle brièvement d’un de leurs amis qui vient d’éprouver un grand malheur... « Quant aux affaires du pays que vous habités, je ne suis plus à portée d’etre utile a ses habitans : mais Mr Trudaine et Mr de Fourqueux suivront l’execution de ce qui avoit eté arrangé. L’un et l’autre ont les memes principes que moi et n’ont pas moins de zele pour le bien. Mr de Clugni est homme d’esprit et je serois surpris qu’il ne soutint pas ce que j’ai pu faire d’utile à moins qu’on ne le gênât dans son administration. J’avoue que si cela arrivoit, j’en serois fort affligé »… Il termine en ironisant sur le contrôle de sa correspondance : les lettres lui parviennent « sans difficulté, sauf le petit inconvenient d’etre ouvertes a la poste. Je ne sais si en les faisant passer par Mr de Vaines ou Mr Fargès, on est bien sur de tromper la curiosité de Mrs les gens de lettres »… En tête, note autographe de Voltaire : « de M. Turgot ».

 

020 André CHÉNIER (1762-guillotiné 1794) poète
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020 André CHÉNIER (1762-guillotiné 1794) poète Image

Poème autographe, Epître à Monsieur de Voltaire par un jeune homme de 13 ans, suivi d’une L.A.S. « De Chenier De Courmenay », à Voltaire, [vers février 1778] ; 3 pages in-4.

Document très exceptionnel du tout jeune poète, consistant en une épître de 58 vers, plus un sizain d’hommage, suivis d’une lettre à Voltaire. [On notera que le poète s’est rajeuni en se donnant comme « un jeune homme de 13 ans », puisque ces vers célébrant le prochain retour à Paris de Voltaire ont dû être composés à la fin de 1777 ou au début de 1778, c’est-à-dire, à l’âge de 15 ans.]

« Quoy verrai-je en effet, verrai-je dans ces lieux,

                             Celui qui fit la Henriade,

Ce grand homme de qui le pinceau vigoureux

                              Egala l’antique Illiade :

Verrai-je cet auteur de qui mille rivaux

                              N’ont fait qu’illustrer la carriere,

Cet auteur, qui du goût aidant tous les travaux

                              Lui sçavoit ouvrir la barriere ;

Ce celebre Voltaire aimé par la valeur,

                     Qui la chantait avec tant de genie,

Des Calas opprimés ce zelé defenseur,

                            Qui voulut leur sauver la vie ;

Des beaux arts gemissant ce digne Protecteur,

                       Dont l’éclat sçut vaincre l’Envie ;

Ce Poëte fecond toujours sur du succès,

                          Et fait à donner des merveilles,

Qui conserva le sang du Sophocle français,

                          Et le retraça dans ses veilles.

Je le verrai lui-même, et je n’en doute pas :

                        Je verrai cet homme admirable »...

L’auteur se présente brièvement dans un hommage séparé de l’épître par des ornements calligraphiques :

« Tu seras étonné si tu sais qu’à treize ans

                       Et dans la faiblesse de l’age

Imprudent que je suis, je t’offre mon encens

                       Dans ce méchant petit ouvrage »...

Dans sa lettre, Chénier rappelle au souvenir de Voltaire qu’un « certain Mr de Courmenay » lui écrivit en septembre 1777 pour l’exhorter à « venir triompher à Paris en dépit des ignorants, des Bigots, et des envieux »... La nouvelle de son arrivée lui fit ensuite « un plaisir incroyable », et lui dicta ces vers « que vous trouverez sans doute assez mauvais, mais qui n’en sont pas moins sinceres »... Cependant, il ne conçut pas lui-même le dessin d’écrire à Voltaire : « sentant combien j’avais besoin d’indulgence, je me taisais, et je vous admirai tout bas ; mais [...] Made de Chenier, ma mere, que je ne pourrais trop louer, si elle ne l’etait pas, Mr de Lusignan, mon grand oncle, qui m’a assuré avoir fait ses études avec vous, et plusieurs autres personnes qui ont la bonté de s’intêresser au très-médiocre talent que je fais paraître pour la poësie m’en ont pressé plusieurs fois, et je me suis haté de faire pour vous cette Epître ; si elle vous déchire les oreilles, comme un bon chrétien vous me le pardonnerez »... Il demande néanmoins une gratification particulière :

« Si vous vouliez de votre main

M’écrire un mot, un seul mot, ah ! peut être

D’un tel honneur je serai vain

Mais aussi comment ne pas l’être ? »...

Et de l’assurer : « La lettre que vous aurez la bonté de m’écrire sera pour moy une Relique prétieuse, et me rappellera tant que je vivray le plus grand homme qu’ait eu le Dixhuitiême Siecle »...

Cette épître est restée inconnue de Gérard Walter et ne figure pas dans son édition des Œuvres complètes de Chénier dans la Bibliothèque de la Pléiade.

Ancienne collection Robert Gérard. Exposition Voltaire, Bibliothèque Nationale, 1979, n° 640.

 

021 Honoré-Gabriel de Riquetti, comte de MIRABEAU (1749-1791) le grand orateur des débuts de la Révolution
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021 Honoré-Gabriel de Riquetti, comte de MIRABEAU (1749-1791) le grand orateur des débuts de la Révolution Image

L.A., [donjon de Vincennes] 4 novembre 1779, à Sophie Monnier ; 4 pages in-4.

Très ardente et belle lettre d’amour du prisonnier de Vincennes à sa Sophie.

Sophie a écrit au père de Mirabeau une lettre pleine de noblesse, de chaleur et même d’adresse, puisque la mère de Sophie la verra aussi : Mme de Ruffey n’osera avouer qu’elle préfère perdre Mirabeau que sauver sa fille, et quoique Mirabeau doute du succès de leurs efforts, tant que son père s’obstine, il est inutile d’aider « les assassins » à assassiner. Lui-même n’est pas éloigné d’un accommodement : « Prends pour guides des gens de loix non suspects ; ne fais rien que de leur avis, parce qu’enfin les intentions des négociateurs, qui t’ont déjà tant menti, et caché de choses, ne sont pas très nettes ; mais vas en avant dans tout ce que tes conseils approuveront, pourvu que le premier pas soit l’anéantissement de la procédure. Je dis l’anéantissement absolu, qui me paroit ôter toute espèce de preuves contre moi »… Il cite un extrait d’une lettre de son « bon ange » [BOUCHER] qui craint que Sophie n’ait compris ni l’enjeu de la partie, ni la proposition de l’adversaire ; puisqu’il y a procédure, son mari ne pense pas à reprendre sa femme, mais il serait de l’intérêt et de l’honneur du mari de faire annuler la procédure ; la conciliation serait peut-être le seul moyen « “d’opérer la liberté de tous deux” ». Certes, cette idée « “a des inconvéniens, des gênes, et peut-être des dégoûts, mais on peut dompter tout avec la liberté et la raison, et qu’est-ce que la raison contre la captivité ?” »…

Méditant les remarques de son avocat, Mirabeau estime qu’en cas de révision, la rentrée de Sophie chez son mari pour recouvrer ses droits ne serait plus « qu’un inconvénient que ton courage pourroit te persuader de franchir »… Il s’inquiète de sa santé, ainsi que de celle de la vieille abbesse qui lui a été bonne ; au reste, « ce n’est que dans un état obscur qu’on peut se mettre à l’abri des méchans et des Rois. La noblesse qui fut et sera toujours la pépinière des satellites du despotisme, a trouvé dans son crime même sa punition. Promoteurs du pouvoir arbitraire nous en sommes les premières victimes et cela est juste. J’ai bien démontré cela dans un grand ouvrage que tu verras quelque jour, et qui, je crois, sera mon dernier tribut à mon pays ; voilà où nos folles sollicitations nous conduisent ; nous ne comptons que sur le crédit pour nous défendre des loix ; et les loix ne peuvent plus nous défendre contre le crédit. Puisqu’elles n’ont plus de pouvoir contre nous, pourquoi en auroient-elles pour nous ? Ô pauvre ! pauvre humanité ! C’est de toi que te viennent tous tes maux ! »…

Revenant à leur propre dilemme, il se livre à des réflexions sur ce que chacun doit présumer, redouter et cacher : « il est impossible que ni mon père ni Mde de R. pensent, espèrent, projettent que si nous recouvrons chacun notre liberté, nous ne nous revoyions jamais ; ce seroit un peu trop présumer de leur autorité, ou de leur éloquence. Je te réponds encore que mon père continuera à t’écrire tant que tu voudras […] et que tu lui écrirois dix ans que tu n’obtiendrois pas de lui la pointe d’une aiguille, mais du moins tu pourras lui glisser quelques insinuations, et c’est quelque chose »…

Quant à D.P. [DUPONT (plus tard de Nemours), qui travaille à son élargissement], Mirabeau lui écrira une lettre froide, et si l’autre rompt, il en fera les frais : « c’est une conduite que j’ai observée toute ma vie avec ceux qui se sont dits mes amis, et qui m’ont assez fréquemment prouvé qu’ils n’étoient que les leurs »… Il donne d’abondants conseils à Sophie pour sa santé ; seules des craintes à ce sujet peuvent l’abattre et le rendre « une vraie femmelette ». Il ne croit pas que la mère de Sophie s’attende à ce qu’elle change ses opinions relatives à Pontarlier, parce qu’elle « a enfin appris par une triste expérience, que quand l’amour est passion, rien n’est si constant qu’une femme. Je crois bien que son cœur tout seul ne lui auroit pas fait deviner cela ; car elle n’a jamais eû de passion que pour sa chère réputation. L’amour n’a été pour elle qu’un goût ; et il est certain qu’avec cette manière d’être, une femme est le plus léger de tous les êtres, car alors elle n’a plus ce trouble, et ces combats, et cette douce honte, et ces délicieux souvenirs qui gravent si bien le sentiment dans l’âme. Il ne lui reste que les sens et de l’imagination ; des sens gouvernés par des caprices ; une imagination qui s’use par son ardeur même, et qui en un instant s’enflamme et s’éteint, de sorte qu’il est assez facile avec un peu de manège d’arranger tout cela avec les convenances. Ah ! mon amie ! Le désir général de réussir et de plaire est un sentiment très frivole, très vain, et nullement tendre et profond. Il dessèche l’âme, il étouffe la sensibilité. L’amour propre toujours calculant, toujours mesurant, vit de tout, dit M. Thomas, s’irrite de tout et se nourrit même de ce qui l’irrite. Voilà pourquoi, ma chère Sophie, il absorbe tout, et détruit tout. Il est absolument incompatible, quoi qu’en ait dit ce La Rochefoucault qui ne croit à aucune vertu, avec ce sentiment qui demande tant d’énergie dans l’ame et de profondeur et de ténacité dans le caractère, avec cette union sainte qui par une espèce de culte consacre tout entier une amante à son amant, qui transforme deux volontés en une, et fait vivre deux êtres de la même ame et de la même vie. Ô amie, ô épouse, ô cher tout telle est notre passion, née tout à coup, nourrie dans le silence, irritée par le combat, devenue plus ardente par la persécution. […] Nous savons ce que nous sommes, ce que nous nous sommes, ce que nous nous devons. – Vas, crois moi – ils ne nous vaincront pas »… Il termine en citant des paroles de Renaud à Armide, et les traduit : « Tourne, ah ! tourne sur moi ces regards qui portent dans mon ame l’ivresse du bonheur ! »… Etc.

 

022 Denis DIDEROT (1713-1784) écrivain
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022 Denis DIDEROT (1713-1784) écrivain Image

L.A.S., [16 août 1781 à Alexandre-Marie de Dompierre d’Hornoy (1742-1828, conseiller au Parlement de Paris et petit-neveu de Voltaire)] ; 2 pages petit in‑4.

Belle lettre au sujet d’un procès intenté à son épicier, où il a été assigné à comparaitre.

Il s’excuse de l’importuner, « mais il est dans cette misérable affaire une circonstance singulière […]. Nous avons a faire à des gens cauteleux » : la plainte qu’ils ont déposée, et les dépositions des témoins qu’ils ont assignés « ne se trouvent point dans les sacs du greffier au petit criminel. Seroit-ce pour persuader aux juges que nous sommes les agresseurs. […] Seroit-ce que les dépositions ne leur étant pas favorables, ils jugent à propos de les soustraire à la connoissance du Tribunal. Seroit-ce qu’ils en attendent un plus grand effet, en ne produisant cette pièce que la veille du Jugement. Seroit-ce qu’ils se réservent pour revenir contre la sentence, au cas qu’ils subissent une condamnation : ne conviendroit-il pas au Juge d’ordonner avant tout l’apport de cette plainte. Je n’ai dans cette affaire d’autre intérêt que l’amour de la Justice. Je serois vraiment affligé s’il arrivoit que le faible soit opprimé. Je n’ai jamais eu de procès et j’espère n’en avoir jamais ; mais l’ignorance des affaires est un des grands inconvénients de l’état de l’homme de lettres, et je suis sur qu’une assignation auroit aussi facilement dérangé la tête de Voltaire que la mienne »… Il a daté, au bas de la lettre : « Ce jeudi, je ne scais quel jour du mois d’aout, le lendemain de la Vierge 1781 »…

 

023 Domenico CIMAROSA (1749-1801) compositeur italien
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023 Domenico CIMAROSA (1749-1801) compositeur italien Image

Manuscrit musical autographe, ; 12 pages oblong in‑4 (22 x 31 cm) sur 3 bifeuillets, rel. en un volume dos parchemin, pièce de titre sur le plat sup.

Rare fragment d’un opéra non identifié, peut-être inédit. Le manuscrit, à l’encre brune sur papier vergé oblong à 12 portées, présente quelques ratures et corrections ; les bifeuillets sont numérotés 2, 2 et 3. Il s’agit d’un quatuor vocal, chant et paroles, accompagné par 6 parties instrumentales et la basse. Le premier feuillet (ou bifeuillet) manque, mais ce manuscrit est bien complet de sa fin, avec la conclusion instrumentale.

Les personnages chantent : « Sbaglio sara stato!... Ancor son’io confuso!...   di troppa meraviglia e il caso in verità d’un male maritato d’una sposina all’uso, d’un protettor burlato, d’un cicisbeo confuso, la bella meraviglia chi vuol veder è quà »… (C’était une erreur !... je suis encore confus !... Trop étonnant est le cas en vérité d’un mal marié, d’une jeune épouse usagée, d’un protecteur moqué, d’un sigisbée confus, la belle merveille à voir ici)…

Un protagoniste commente : « Che spasso che diletto ! Che gusto è questo quà ! » (Quel plaisir ! quel délice !...) ; et un autre : « Mi star d’onor soldato, d’offender non son uso » (Sur mon honneur, je n’ai pas l’habitude d’offenser)…

 

 

024 Alexandre BRONGNIART (1770-1847) minéralogiste et géologue, directeur de la Manufacture de Sèvres
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024 Alexandre BRONGNIART (1770-1847) minéralogiste et géologue, directeur de la Manufacture de Sèvres Image

Manuscrits et notes autographes avec dessins aquarellés, sous une chemise titrée : Signes minéralogiques et géognostiques, 1795-1831 ; environ 190 pages formats divers (la plupart in-4), classées sous 7 chemises autographes.

IMPORTANT DOSSIER SUR LES SIGNES MINÉRALOGIQUES ET LA CARTOGRAPHIE GÉOLOGIQUE.

Signes minéralogiques. Manuscrit du Mémoire sur des signes minéralogiques propres à être placés sur des cartes, lu à la Société philomatique en pluviôse III (février 1795). Le dossier comprend les manuscrits, avec de nombreuses ratures et corrections, des 3 mémoires sur ce même sujet, le 2e en partie autographe et abondamment corrigé, et le 3e portant l’indication : « travail de la commission lu à la conférence des Mines ». Citons le début du 1er mémoire : « Des signes minéralogiques qui sont destinés à être placés sur des cartes de géographie doivent etres simples, faciles à faire à la main et assez distincts quoique petits pour qu’ils ne puissent pas etres confondus entreux quand même ils seroient mal faits » ; une addition marginale précise pourquoi il a choisi le terme de signe au lieu de caractère

Enluminure géognostique des cartes, février 1815. « Explication des signes employés pour marquer sur les cartes tous les minéraux qui peuvent constituer des terreins », en 2 dossiers de tableaux de signes, classés par couleur selon les minéraux représentés, avec Dessins Aquarellés.

Désignation géognostique et minéralogique pour les cartes géographiques, travail de 1821, avec de nouveaux tableaux aquarellés.

Grand TABLEAU des Signes minéralogiques « par Alex. Brongniart », classe par classe et ordre par ordre : terres (siliceuses, argilleuses et magnésiennes), sels (à base terreuse, à base d’alkalis, acides), combustibles (terreux, métallique), produits des volcans (produits volcaniques, produits volcanisés)…

3 dossiers de notes diverses et tableaux sur les Signes minéralogiques, contenant des notes pour les séances d’une commission en 1800, divers tableaux de signes, et de nouvelles notes de 1831.

On joint un exemplaire annoté de son Tableau de la distribution méthodique des espèces minérales (Paris, F.G. Levrault, 1828 ; in-8 de 12 p.), avec des signes ajoutés à la mine de plomb.

 

025 Sophie ARNOULD (1744-1803) cantatrice, interprète de Gluck dont elle créa l’Eurydice et Iphigénie en Aulide
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025 Sophie ARNOULD (1744-1803) cantatrice, interprète de Gluck dont elle créa l’Eurydice et Iphigénie en Aulide Image

L.A., le Paraclet-Sophie à Luzarches 23 vendémiaire IX (15 octobre 1800), à l’architecte François-Joseph Bélanger (1744-1818, il construisit Bagatelle pour le comte d’Artois) ; 8 pages in-4.

Superbe et longue lettre, pleine d’espièglerie et d’amitié pour son ancien amant, et d’admiration pour le Premier Consul.

Très touchée par sa lettre, elle songe à leur bon temps, et à la préférence que Bélanger a toujours eue dans son cœur, « car enfin à vingt ans à peine ! on peut bien se tromper et prendre son cul ! pour ses chausses !.. Non ! C’est que la nature, libérale envers vous de tous les dons qui donnent les plaisirs ; vous a doués aussy, d’un cœur bon, et sensible […] Eh ! je sens que je vous aime plus tendrement qu’on n’eu jamais aimés… Que votre femme [la danseuse Mlle Dervieux] ne savise pas de se méttre martelle en tête, sur ma déclaration, car si elle raisonnoit je luy riverrois son cloud »… Elle plaisante à ce propos, évoquant la « calotte de plomb sur la tête qui m’avertit bien, que, Printems, Plaisirs, Amour, tout est passés pour moy », et promettant de gratifier son « bel ange » d’un petit bouquet de ses cheveux pour le nouvel an, « l’an 9 de la République, autrement dit 1800 de l’ere de nos amours » : ils sont blancs, mêlés de noir, si bien qu’elle aurait pu représenter au Temple de Mars, dernièrement, la cavale du grand Turenne… Elle cite des vers sur l’âge, l’amour et l’amitié, car « Voila ma façon de penser, comme disait a tous propos, le preux ml de Biron », et elle entretient affectueusement et plaisamment Bélanger de sa « jeune compagne » à qui elle recommande les eaux de Barèges, en se moquant de sa propre solitude : « et pourtant il me faut, comme le docteur Panglos : me trouver dans le meilleur des mondes possibles : … violée… autant qu’on peut l’estre… mangée ! par les bulgards ; viélle ! comme ses rèves ; pauvre ! comme Job »… Mais un peu de pain sec et de bons amis, voilà le bonheur : « daillieurs, quoi que j’aie étée dans une jolie passe, dans le courant de ma vie jay toujours bien vue, bien pensée ! bien réfléschie qu’il n’y avoit jamais de vie heureuse, quil y avoit seulement, des jours heureux dans cette vie eh ! même en y pensant proffondement ! je crierois en vérité ! qu’on y a, que des nuits heureuses a cause de ce que tu sçais bien »…

Puis elle aborde les affaires publiques, et l’espoir enfin d’une paix qu’on ne devra qu’à « Bouonnaparté » : « c’est mon héros : tout ce qu’il a fait dans la Révolution, est marquée au cachêt du grand homme : même quand il a agit sous les ordres, du Dirécteur Barras… Encorre que l’on trouve cétte tache en sa vie… Mais ! Examinons de près ! Quel génie, quel personnage extraordinaire ! Qui ! qui dans la France, eu fait ce qu’il a fait pour les françois, qui, quél homme ; avec une taille, peu avantageuse &c ! d’un extérieur peu imposant ! Qui auroit sceu comme lui, donner tout a coup a la France l’impulsion quelle en n’a reçue ! Eh ! qui ! Le plus puissant monarque ; Louis quatorze si vous voulez ! avec son beau phisique, sa toute puissançe & la plus habille politique ! auroient vainement tentés de produires… Qu’elle imagination vive : quelle éloquençe forte, persuasive, plenne de feu ma foy ! C’est un homme, ou je ne m’y connois pas »… En Allemagne, on le hait comme usurpateur, et en Angleterre, comme vainqueur, mais « un françois haïr Bouonnaparté : après le gouvernement atroçe dont il nous a délivrés, ainsy que de tous les malheurs ensemble, on dit ! mais ! ce n’est plus une Republique !.. On dit aussy, Le Roy Bouonnaparte… &c &c. Ah ! que m’importe a moy ! le nom… quand il m’est bien demontrée, que la perfection d’une République est une chimère & que la perféction d’un déspotisme est une horreur… que pour maintenir ces glorieuses chimères, il n’est point d’état republicain qui n’ait eu recours a des moyens forcés, violents, surnaturels ! une multitudes de loix inéxécutables, ruineuses, et meurtrières : des Republicains qui sonts libres ! et qui cherchent toujours la liberté ; qui veulent estres tranquils ! et ! qui ne le sonts jamais ! ou il n’y a d’innoncents, que les victimes ! ou l’on n’a trouvés que des assassins, des bourreaux dans chacuns de ses representans : nous nous sommes mal embarqués ! Nous avons cherchés une contrée imaginaires ! Voila assez longtems que notre vaisseau est battu de la tempêstte, que nous allons decueils en ecueils… Contentons nous, de n’estre pas brisés sur un rochér… Ressouvenons nous des Romains – le sistème republicain fut sa fable aussy : il fuyoit le despotisme & le despotisme fut sa fin… Tel est la mauvaise constitution du gouvernement républicain »… Elle renvoie à l’histoire de toutes les révolutions et à celles d’Athènes et de Rome en particulier : il a bien fallu que Rome se soumît à des décemvirs, des dictateurs et des censeurs souverains. « Eh bien, nous !... Trois consuls onts étés només par le peuple qui n’en reconnoit qu’un, tant le gouvernement d’un seul est dicté par trente cinq millions d’hommes ! »… Elle demande ce que leurs amis disent de tout cela : d’aucuns ne sont pas bêtes, tels Pierrot, et le boiteux, et elle le prie de les saluer de sa part : Sainte-Foy, Bougainville, « je dirois presque, l’aimable Tayllerant »…

Lettre publiée par Edmond et Jules de Goncourt, Sophie Arnould d’après sa correspondance et ses Mémoires inédits, 1885, chap. LVI. – Ancienne collection Auguste Chéramy (23 avril 1913, n° 4).

 

026 Donatien-Alphonse-François, marquis de SADE (1740-1814) écrivain
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L.A.S., [Charenton 20 septembre 1810], à François Ripert, propriétaire à Mazan, à Carpentras ; 2 pages et demie in-4, adresse (petite déchirure par bris de cachet sans toucher le texte).

À propos de la vente de son mas de Cabannes, près d’Arles.

Il refuse les propositions de Ripert : « mon dernier mot sur cet objet est soixante et dix mille francs oxtensibles et trente mille francs de pot de vin. Je ne la lacherai pas a un sol de moins vous voyes que je suis daccord sur la somme ostensible, et quil n’y a de difficulté que sur celle du pot de vin, mais parfaitement informé de la valeur de cette terre, et plus encore du tres grand parti qu’on en peut tirer en la soignant il est tres sur qu’elle ne sortira pas de mes mains a moins de cent mille francs en tout ; vous voyés que je rabaisse mes pretentions de trente mille francs », mais c’est tout ce qu’il peut faire… « Mon fils Armand instruit de la vente de Mazan est venu me voir a ce sujet, il veut surencherir de 4000f et cherche une caution pour cela dans le pais. Parés a cet inconvenient dont je vous fais part, afin d’en paraliser les effets. Il se doute d’un pot de vin, je l’ai assuré quil se trompait n’en convenes jamais je vous supplie, cest tres essentiel ; il se plaint de votre silence sur tout cela, et ne veut pas dire, qui l’a instruit. Il vous est tres aisé de l’empecher d’avoir une caution, et de prevenir la surenchere, en en faisant faire une par ce qu’on appelle un homme de paille »… Il s’en rapporte à lui en recommandant de cacher sa correspondance, et de ne jamais parler de Mme Quesnet [maîtresse du marquis] : « quand je vous parlerai du petit cadeau, vous m’entendrés, de plus grandes explications sur cela sont inutiles »… Il enverra sa procuration.

 

Catalogue 2023
001 CHARLES D’ORLÉANS (1391-1465) prince et poète, père de Louis XII Image
001 CHARLES D’ORLÉANS (1391-1465) prince et poète, père de Louis XII
P.S. « Charles », Tours 10 juin 1460 ; contresignée par son secrétaire des commandements Berthault de Villebresme ; vélin oblong in-fol., traces d’un sceau cire rouge.Ordre donné à Jehan Vigneron, Jamet Hubellin et Jehan Aubret, commis à l’office de son trésor, de payer « des deniers de nos finances […] a nostre ame et feal serviteur et panetier Georges de Montafie la somme de soixante escus dor, en recompensation de semblable somme que par nostre ordonnance & comandement feu mess. Anthoine de Montafie chev[alier] son grant père bailla tant a mess. Anthoine de Coignat que a autres pour certaines noz afferes en nostre pais d’Ast »… [Le comté d’Asti revenait à Charles d’Orléans par sa mère Valentine Visconti, mais le prince-poète ne put faire valoir ses droits, que son fils Louis XII tenta de récupérer, à l’occasion des guerres d’Italie.] 
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002 Lorenzo de’ MEDICI (1448-1492) Il Magnifico (Laurent le Magnifique), homme d’État florentin Image
002 Lorenzo de’ MEDICI (1448-1492) Il Magnifico (Laurent le Magnifique), homme d’État florentin
Lettre écrite et signée pour lui par Niccolò MICHELOZZI, Florence 18 mai 1475, au duc de Milan Galeazzo-Maria Sforza (« Ill[ustrissi]mo et Exc[ellentissi]mo Domino meo d[omi]no Duci M[edio]l[an]i ») ; 1 page in-4, adresse, sceau aux armes sous papier (rousseurs) ; sous chemise demi-maroquin noir et tissu noir moiré, et étui in-4 ; en italien.Belle et rare lettre politique à son allié, le duc de Milan.Niccolò Michelozzi (1447-1527) fut dès 1471 le secrétaire de Laurent le Magnifique ; en 1512, il succèdera à Machiavel comme Chancelier de la République de Florence.Laurent répond à une lettre du duc du 6 mai (et une du 13), en le remerciant d’abord d’avoir accordé foi à son envoyé, Agnolo della Stuffa, comme à ses autres émissaires (« prestato tanta fede a messer Agnolo della Stuffa, circa la buona relatione ha facto de’ mia buoni governi et portatmenti »), et aussi des marques de sa grande affection (« perché a me sempre ha portato troppa grande affectione »)… Il regrette leur différend touchant le statut de Florence (« contra la stato della nostre città »), et les nouvelles de Corse (« quelli avisi di Corsica »). Il restera toujours vigilant à seconder les vues du duc (« Starò vigilante se intenderò altro, et farò sempre quello che si apartiene alla servitù et devotione mia verso Vostra Excellentia »). Quant au fils du duc, Giovan Galeazzo, il renvoie à ce qu’a pu lui en écrire son orateur Filippo Sacramoro, et il est tout disposé à seconder les désirs du duc (« Quanto alla parte di messer Giovan Galeazzo, io credo che messer Filippo suo oratore habbi scripto ad quella quanto circa ciò ho conferito, che lui desiderrebbe essere huomo di Vostra Excellentia. Aspecto intendere che partito quella ne piglerà ; et quando ad epsa piaccia di adempiere in questo il desiderio di detto Giovan Galeazzo, io farò come et quanto parrà a Vostra Excellentia »). Il regardera toujours les ennemis du duc comme ses propres ennemis (« i nimici della Excellentia Vostra saranno sempre i nimici mia »). Il assure rester à la disposition du duc, et prêt à seconder ses désirs… La lettre est signée « Laurentius de Medicis ».Lorenzo de’Medici, Lettere, éd. R. Fubini, t. II, n° 193.Ancienne collection Jean Davray (6 décembre 1961, n° 43). 
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003 MARGUERITE DE NAVARRE(1492-1549) née Marguerite d’Angoulême, sœur de Francois Ier, Reine de Navarre par son mariage avec Henri II de Navarre ; écrivain (L’Heptaméron) Image
003 MARGUERITE DE NAVARRE(1492-1549) née Marguerite d’Angoulême, sœur de Francois Ier, Reine de Navarre par son mariage avec Henri II de Navarre ; écrivain (L’Heptaméron)
L.A.S. « Marguerite », à François Ier, « au Roy mon souverain seigneur » ; 1 page petit in-fol., adresse.Belle et rare lettre à François Ier. La foi ferme qu’elle a en la parole de son frère est bien expérimentée. « Toustefoys ce quy plus me desplaist nest pas tant ce quy de bien pres touche a mon honneur que de voir vostre voulonte si mal entandue suyvye et obeie », et principalement de ceux qu’elle pensait être au Roi… Elle déplore toutes ces « fascheries », « non pour crainte de mon ennuy quy ne peult estre plus grand que celluy que jay de perdre le bien de vostre veue mes pour la contraincte en quoy ces affaires me mettent de vous en importuner car estant ysy seulle de tous amys nayant consolation conseil ne force que de la seurette de vostre proumesse vous mescuzeres sy vous plest monseigneur sy en sa necessite sadresse a celluy en quy soubz Dieu a mysse toute son esperance Vostre trehumble et tresobeissante subjecte et seur Marguerite ». 
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004 JEANNE D’ALBRET (1528-1572) Reine de Navarre, mère d’Henri IV Image
004 JEANNE D’ALBRET (1528-1572) Reine de Navarre, mère d’Henri IV
L.A.S. « Jehanne », La Rochelle 15 août [1570], « au Roy mon souverain seigneur » Charles IX ; 1 page in-fol., adresse au verso.Très belle lettre écrite sept jours après la signature de la Paix de Saint-Germain [outre une certaine liberté du culte, la Paix accordait aux Protestants quatre places fortes, dont La Rochelle, pour une période de deux ans].Elle remercie le Roi de lui avoir envoyé le sieur de Beaupin « par la creance duquel jay connu le soing quil vous plaist avoir de mon repos. Je vous supliray tres humblement croire que oultre lobeissance aquise par vous vostre subjecte et tres humble servante jen ay une naturelle par le sang qui ne se peult jamays separer de moy de sorte quen quelque pays que je soye soit en France ou je la vous doibs soit en Bearn ou Dieu ma donné souverayne puissance je seray tousjours preste a vous faire cognoistre et ma fidellité et le zelle deu a vostre service et parse que je say monseigneur que par vostre estat combien quil soit monarchie aupres du mien petit vous aves asses apris de quelle prudence et avecq quel prix telles affaires se doyvent conduire ». Elle lui envoie son secrétaire avec le sieur de Beaupin pour exprimer tous ses sentiments au Roi, qu’elle supplie de « le croire de ma part et me tenir en vostre bonne grasse a laquelle je presente mes treshumbles recommandassions et suplie Dieu daussy bon cueur comme je me rejouis de la paix quil vous a plu nous donner quil la veulle rendre aussy heureuse que de sainct zelle Vostre magesté sy est employee »… 
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005 CHARLES IX (1550-1574) Roi de France Image
005 CHARLES IX (1550-1574) Roi de France
L.S., Saint-Germain-en-Laye 24 février 1573, à M. de Lisle, conseiller et maître des requêtes de son hôtel ; contresignée par Pierre Brulart (v. 1535-1608, secrétaire d’État) ; 1 page in-fol., adresse au verso.Document historique relatif à l’ambassade en Pologne de Jean de Monluc (1508-1579, évêque de Valence) pour obtenir l’élection comme Roi de Pologne du duc d’Anjou, frère du Roi, et futur Henri III (il sera élu le 11 mai Roi de Pologne et Grand-Duc de Lituanie).« Encores que apres avoir sceu larrivée de Levesque de Valence en Poloigne je vous aye faict une depesche pour vous fere revenir dedeca a laquelle jay donné adresse par le costé du sr du Ferrier »… Il est bien aise de savoir par sa lettre du 22 janvier qui accompagnait la dépêche de l’évêque que de Lisle est arrivé en sûreté auprès de Monluc, et il « desire que es affaires quil a a traicter pardela (desquelz vous avez aussi la charge) et qui sont ja fort bien acheminez par la grande prudence et dexterité quil y a sceu employer vous lassistiez et demeuriez en bonne intelligence avec luy qui vous en communiquera tousjours amplement ainsi que je le luy escriptz pour y faire tous deux conjoinctement tout ce que par le bon advis dud. evesque de Valence se trouvera plus a propoz pour le bien de mon service luy defferant ainsi quil est bien raisonnable de telle sorte que par ce moyen je puisse recueillir le fruict que jusques icy jay eu occasion de me promettre de ceste negotiation dont le chemin est ja fort bien preparé faisant presentement entendre aud. evesque de Valence quil vous face fournir sur les vingt mil escuz que jay faict tenir par dela par lettres de change aux Sodorinis jusques a la somme de cinq cens escuz pour vous donner moyen de vous y entretenir en attendant que par une autre commodité je vous puisse fere tenir une autre somme »… 
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006 Germain Pilon (1515-1590) le grand sculpteur de la Renaissance Image
006 Germain Pilon (1515-1590) le grand sculpteur de la Renaissance
P.S. avec dessin, 5 mars 1580 ; parchemin oblong petit in‑4. Très rare reçu portant la signature du grand sculpteur ornée du dessin d’une tête d’ange.« Je Germain Pillon sculpteur du Roy et contreolleur general des monnoyes de France » confesse avoir reçu de « Maistre Françoys de Vigny Recepveur de la Ville de Paris » la somme de 20 écus un liard 13 sols 4 deniers tournois du quartier échu de sa rente due par les prévôts des marchands et échevins de la Ville de Paris...La signature « G. Pilon » est suivi du dessin à la plume d’une tête d’angelot. 
8 000
007 François de MALHERBE (1555-1628) poète Image
007 François de MALHERBE (1555-1628) poète
L.A.S. « Malherbe », Paris 15 juillet 1626, à Jean-Baptiste Le Goux de LA BERCHÈRE (1568-1631), conseiller du Roi en ses conseils et Président en sa cour du Parlement de Bourgogne ; 1 page in-fol., adresse au verso avec cachets de cire rouge. Lettre inédite relative à son fils Marc-Antoine, condamné à mort après un duel, mais pour lequel il a fait appel et vient d’obtenir des lettres de grâce. [Marc-Antoine de Malherbe (1600-1627) fut un redoutable bretteur, qui donna bien des soucis à son père. En juin 1624, il tue en duel un bourgeois d’Aix-en-Provence, Raymond Audibert ; le 10 octobre, il est condamné par la sénéchaussée d’Aix à avoir la tête tranchée, mais a pu se réfugier à Caen. Malherbe porte l’affaire en appel devant le Parlement de Bourgogne, mais obtient en juin 1626 de Louis XIII des lettres de grâce, qui seront enregistrées le 13 février 1627, après indemnisation de la veuve d’Audibert. Hélas, le 13 juillet 1627, Marc-Antoine est tué dans un duel près d’Aix-en-Provence contre le baron de Bormes et Paul de Fortia de Piles ; ses meurtriers sont condamnés à mort en août par la sénéchaussée d’Aix, et Malherbe n’aura de cesse d’obtenir l’exécution de leur peine ; mais ayant appris en septembre 1628 qu’ils ont obtenu leurs lettres de rémission, il meurt le 6 octobre.] « Si Monsieur le duc de Bellegarde [Roger de Saint-Lary, duc de BELLEGARDE, Grand Écuyer de France] estoit icy, je seroys hors de l’apprehension de vous estre importun. Je vous escrirois pour moy, et sa recommandation assistant mon impudence, la feroit trouver sinon juste au moins plus supportable. Il est depuys Jeudy dernier a la Court, je luy escry par un courrier quil a envoyé icy expres pour scavoir des nouvelles de Made sa femme. Mais il ne part que demain, & a ce compte là il sera malaisé que j’aye les lettres que je luy demande assez à temps pour l’affaire dont il est question. L’affection que vous avez aux bonnes causes suppleera sil vous plaist au deffaut de la priere quil vous auroit faite & le remerciment quil vous en fera vous sera tesmoin qui ne me me desavoue point, et que je n’ay point pris son nom a fausses enseignes. Mon filz se va rendre au terme qui luy a esté donné par l’arrest du parlement pour jouyr de la grace qu’il a pleu au Roy luy faire. Vous estes Monsieur le principal directeur des voluntez de vostre compagnie. Je vous supplye treshumblement qu’il se ressente de la protection d’un si digne & si puissant magistrat comme vous estes. Si je suys en quelque consideration, et que j’ay bien de la faveur a esperer, j’y adjousteray Monsieur, que par une obligation qui ne peut estre plus grande vous mettrez jusqu’a son dernier point la volonté que j’ay d’estre tant que je vivray Vostre serviteur treshumble »… Ancienne collection Albin SCHRAM (Londres 3 juillet 2007, n° 115).
 
008 John BLOW (1649-1708) organiste et compositeur anglais Image
008 John BLOW (1649-1708) organiste et compositeur anglais
P.S. « Jo: Blow », 5 septembre 1683 ; le document est écrit et contresigné par son secrétaire John Ellis (contresigné aussi par Andrew Oswald), 1er septembre 1683 ; 1 page in-fol. avec son sceau sous papier (4 petits trous) ; en anglais.Rarissime document du grand compositeur anglais, maître de Purcell.John Blow, Directeur de la Musique et maître des Enfants de la Chapelle Royale du Roi Charles II (« Dr of Musick & Master of the Children of his Mats Chappell »), nomme et autorise Edward Braddock, de Westminster, l’un des gentilshommes de ladite Chapelle Royale de Sa Majesté, à recevoir des officiers et ministres de l’Échiquier toutes les sommes d’argent qui pourraient venir à échéance ou lui être dues, par brevet ou autrement, notamment sur ordre de Sa Majesté. Il autorise Braddock à faire et à distribuer des quittances en son nom, et de faire tous actes nécessaires pour décharger comme il l’eût fait lui-même les sommes  à lui dues, pour ses pensions, allocations ou salaires, sur ordre de Sa Majesté, et de recevoir cet argent en son nom et sur quittance... En témoigne ce document écrit de sa main et auquel il a apposé son sceau ce 5 septembre dans la trente-cinquième année du règne de notre souverain Lord Charles II, par la grâce de Dieu roi d’Angleterre, Écosse, France et Irlande, défenseur de la Foi, etc., Anno Domini 1683…[Edward Braddock était gentilhomme de la Chapelle Royale depuis 1660 ; nommé maître des choristes de l’abbaye de Westminster en 1670 et « clerk of the Cheque » en 1688, il mourut en 1708. Sa fille Elizabeth avait épousé John Blow en 1674, et mourut après neuf ans de mariage, l’année même de ce document, lui ayant donné cinq enfants, tous morts en bas âge. Cette même année, on avait représenté à la Cour le chef-d’œuvre de Blow, le « masque » Venus and Adonis.]C’est, semble-t-il, le seul document de John Blow en mains privées (vente Sotheby’s, Londres 30 juin 1974, n° 383). 
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009 LOUIS XIV (1638-1715) Roi de France Image
009 LOUIS XIV (1638-1715) Roi de France
L.A.S. « Louis », Versailles 6 novembre 1683, « a mon fils le conte de Vermandois » [Louis de Bourbon, comte de Vermandois (1667-1683), prince légitimé, amiral de France] ; 2 pages in-4, adresse avec cachets de cire noire aux armes sur lacs de soie violette.Très rare lettre entièrement de la main du Roi à son fils, dernier de ses six enfants nés de la duchesse de La Vallière, âgé alors de 16 ans et faisant le siège de Courtrai [Vermandois mourut 12 jours plus tard, le 18 novembre, au siège de Courtrai qu’il menait sous les ordres de Vauban].« Jay receu la lettre que vous maves escrit du camp devant Courtray. Je suis fort satisfait du compte que vous me randez de la marche du camp et des postes aux environs de la place aussi bien que de l’attaque. Continués a vous appliquer comme il me paroist que vous faistes. Soiés assuré de mon amitié quand vous feres aussi bien que je le desire et souvenés vous que pour me plaire il faut mieux faire en tout que les autres. Continués a me mander tout ce qui se passe en destail et sil se peut voiés par vous mesme ce que vous me manderés »...
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010 Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ (1626-1696) la grande épistolière Image
010 Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ (1626-1696) la grande épistolière
L.A.S. (paraphe), Livry 25 octobre [1686], au Président Philippe Moulceau à Montpellier ; 13 pages in-4 (transcription ancienne jointe).Lettre exceptionnelle, très longue et belle lettre amicale, de treize pages, donnant des nouvelles familiales. Les lettres autographes de la marquise de Sévigné sont de la plus grande rareté, surtout de cette longueur.   Elle a reçu sa lettre : « elle fust presentee a moy come sy vous voulies me faire quelque honte de mon silence, et me faire croire que jay esté malade, pour rentrer en discours avec moy. Elle ma fait souvenir dune jolie comedie, ou quelquun qui veut avoir un eclarcissemen avec celle qui entre, luy fait croire quelle lapelle, et rentre ainsy en conversation […] je ne puis jamais comprendre comme vous estimant come je [fais] me souvenant de vous avec tant dagrement, en parlant sy volontiers, ayant tant de goust pour votre esprit, et pour vostre merite, pour ne rien dire de plus, crainte des jaloux, je puisse avec toutes ces choses, sy propres a faire un comerce vous laisser sept ou huit mois sans vous dire un mot, cela est epouvantable, mais quimporte demeurons dans ce libertinage, puisquil est compatible avec tous les sentimens que je viens de vous dire ». Puis elle l’entretient d’amis ou de connaissances communes : elle a rencontré M. de La Trousse avec lequel elle a parlé de Ménage et elle partage leur estime réciproque : « Je le trouvé tout instruit, et touché autant quon le peut estre de tout ce que vous valez »… Elle sait que Moulceau doit avoir près de lui M. de Noailles [lieutenant général en Languedoc, dont les États s’assemblent alors à Nîmes] : « vous estes si bien a cette Cour, que je veux me rejouir avec vous, du plaisir que vous aures de voir un home a qui vous aves inspiré une sy forte estime. Je comprens le derangement que vous fait celuy de vos états mais vous ne pouves vous dispenses daller a Nimes ».Elle lui parle longuement de Mlle de Grignan (Louise-Catherine, née en 1660, fille aînée en premières noces [avec Angélique-Claire d’Angennes] du comte de Grignan, gendre de Mme de Sévigné) : « je supose que vous saves quelle est entrée aux grandes Carmelites il y a huit mois, pris habit en seremonie avec un zele trop violent pour durer, dans les trois premiers mois, elle sest trouvée sy acablee de la rigueur de la regle, et sa poitrine sy offancée de la mauvaise nourriture, quelle estoit contrainte de manger gras par obeissance. Cette incapacité de faire cette vie, mesme dans le noviciat, la obligee de sortir, mais avec une devotion, une humiliation de sa delicatesse, et une sy grande haine pour le monde, que les stes religieuses ont conservé pour elle, une tendre et veritable amitié, et elle qui na changé que dhabit, et point du tout de sentimens, na point la mauvaise honte de celles qui veulent changer de vie, et elle est presentement avec nous icy, tout come a lordinaire, et nous donnant la mesme édification. Elle demeure a Paris, aux Feuillantines ou elle est pensionnaire comme beaucoup dautres. Elle y retournera a la St Martin, quand nous irons a Paris, et ce qui latache a cette maison, c’est le voisinage des Carmelites, ou elle va quasy tous les jours, et y entre, quand il y a quelque princesse, elle prend tout ce qui luy convient de ce st couvent, cest adire, la spiritualité et la conversation, et laisse la rigueur de la regle, dont elle nestoit pas capable. Cest ainsy que Dieu la conduitte, et la repoussée doucement de ce haut degré de perfection ou elle aspiroit, pour la soutenir dans un autre un peu au dessous, qui ne peut estre que tres bon, puisquil luy donne la grace de laymer uniquement, qui est tout ce quil y a dans ce monde a souhaitter. Mais, cette mesme providance luy a inspiré la plus belle, la plus juste, et la plus estimable pensée quil est possible dimaginer pour sa famille, elle na point voulu que son retour à la vie, ostat a Mr son pere, ce quelle vouloit luy donner par cette mort civile, elle luy a fait, a sa sortie, une donation entre vifs, tres bien conditionée, et insinuée, de quarante mil ecus quil luy devoit, savoir vint mil ecus en fons, et vint mil ecus darerages et de quelques somes prestées. Ce present a este estimé de tous ceux, non seulement qui ayment Mr de Grignan, mais de ceux qui savoient que tout son bien estant devenu meuble a 25 ans sy elle nut disposé de rien par testament alloit quasy tout entier a son pere, et que de plus, Mr de Grignan devra encore quatre vingt mil ecus a Melle d’Alerac [Julie-Françoise, seconde fille (en premières noces) du comte de Grignan, qui épousera le marquis de Vibraye], en comptant le fons du douaire de quarante mille ecus. Cest assez honnestement pour ne pas plaindre la sœur, et pour estre bien aise, que cette maison soit soulagée de ce double payement ». Mme de Sévigné a été très touchée de ce geste : « jadmire que son bon naturel luy ait fait faire sans art, la seule chose qui estoit capable de luy redonner du pris, dans sa famille, ou elle est presentement agréée et considerée come la bienfaitrice. Lesprit seul auroit du faire cet effet, dans une autre personne, mais il vaut mieux que le cœur tout seul y ait eü part. Ma fille a sy joliment contribué a cette petite maneuvre, quelle en a eü un double joye, le chevalier [Joseph de Grignan, frère du comte] y a fait aussy des merveilles, car vous jugez bien quil a falu ayder, et donner une forme, a toutes ces bonnes volontés. Enfin tout est a souhait. Melle d’Alerac mesme a fort bien compris la justice de ce sentiment, je prie Dieu quil len recompense par un bon établissement, dont la providance nous cache tellement encore toutes les aparances que nous ny voyons rien du tout »… Mme de Sévigné plaint son correspondant d’avoir dû subir ce long récit : « vous aurez une indigestion de Grignans »…Puis elle donne des nouvelles des Sévigné. Son fils Charles est enfin guéri « apres cinq mois dune soufrance par des remedes, qui le purgeoient jusques au fond de ses os, enfin le pauvre enfant sest trouvé dans une tres parfaite santé. Il a passé le mois doust entier avec moy dans cette solitude que vous connessez, nous estions seuls, avec le bon abé [de Livry], nous avions des conversations infinies, et cette longue societé, nous a fait un renouvellement de connessance, qui a renouvelé nostre amitié. Il sen est retourné chez luy, avec un fons de philosophie cretienne, chamaré dun brin danacorette, et sur le tout, une tandresse infinie pour sa femme, dont il est aymé de la mesme façon, et qui font, en tout, lhome du monde le plus heureux, parce quil passe sa vie a sa fantaisie » [en 1684 Charles de Sévigné avait épousé Marguerite de Mauron dont la dot lui avait permis de quitter sa charge militaire]. Elle explique comment vingt fois elle et lui ont voulu écrire à Moulceau, mais chaque fois « un démon vient qui nous jette une distraction, et qui nous oste cette bonne pensée, que peut on faire a ces sortes de malheurs. Mon pauvre monsieur, peutestre connessez vous le chagrin davoir de bonnes intantions sans les executer ».Elle évoque enfin « nostre cher jaloux » [Jean Corbinelli] qui voudra peut-être passer l’hiver avec Moulceau : « Vous en serez bien aise, vous en rirés, et jen pleureray, car cest une sy intime confiance, et une sy veritable amitié, que celle que jay pour luy, quon ne peut perdre la presence dun tel amy, sans sen apercevoir a tout moment. […] Jayme que cet atachement continue, vous y ferez fort bien, et je conte beaucoup, pour notre amy le plaisir de vous revoir, et de se renouveler dans vostre cœur ». Et elle conclut ainsi cette longue lettre de 13 pages : « Je ne vous écris pas souvent, mais vous mavoürez que quand je my mets, ce nest pas pour rien ».Correspondance, Bibliothèque de la Pléiade, éd. R. Duchêne, n° 944, t. III, p. 260-263, d’après le texte imprimé dans les Lettres nouvelles de 1773, et non d’après ce précieux autographe. 
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011 VOYAGES
Manuscrit de lettres de voyage, principalement sur l’Italie et en Europe, avec 7 dessins à la plume, dont 6 aquarellés, [vers 1695] ; un vol. in-8 (15,5 x 10 cm) de 294 pages (plus 46 blanches), remboîtage dans une reliure ancienne en vélin ivoire à rebords, boîte moderne en maroquin noir. Intéressant recueil de lettres de voyage en Italie et en Europe, datées du 27 avril au 9 octobre 1695 (une porte la date, hors texte, du 12 mai 1688).  Une note en tête indique : « La pluspart des lettres renfermées dans ce Tome sont adressées à Sa Grace Milord Jean Tillotson Archevêque de Cantorbery Primat du Royaume de la G.B. » [John Tillotson (1630-1694), doyen de la cathédrale Saint-Paul, fur archevêque de Canterbury de 1691 à sa mort.] Le manuscrit, d’une écriture serrée mais bien lisible, rassemble 13 lettres, complétées par 5 notices.Ces textes sont l’œuvre d’un érudit qui s’intéresse fort à l’histoire et à l’archéologie (il se plaît à citer des inscriptions et des auteurs latins), mais aussi aux légendes et aux traditions locales. Il donne de nombreux détails sur les vestiges antiques et monuments contemporains à Rome (un dessin représente la chaise percée de Saint-Jean de Latran), Viterbe, Sienne, Pise, Livourne « la marchande », Lucques « la jolie », Pistoia, Florence « la belle », Bologne, Modène, Reggio, Parme, Plaisance, Crémone, Bozzolo, Mantoue, Brescia (« Bresse », où « l’oriflame de Constantin », conservée à la cathédrale, fait l’objet d’un dessin exécuté d’après les remarques du sacristain), Bergame, Milan « la grande » (où il dessine, et explique de plusieurs manières, un serpent de bronze sur une colonne de marbre, et où il découvre un manuscrit de dessins de « Mechaniques » de Léonard de Vinci), Pavie, Gênes « la superbe », Turin, etc. Avant de quitter le pays, l’auteur rédige « Diverses observations sur l’Italie », où il livre des impressions familières du caractère du peuple, ses femmes, sa cuisine, son habitude de la sieste, les dangers que l’on peut rencontrer dans le pays (scorpions, tarentules, voleurs de grand chemin), etc. Puis il passe successivement à Suze, Chambéry, Genève, Lausanne, Berne, Bâle, Fribourg, Strasbourg, Spire, Mayence, Aix-la-Chapelle, Maestricht, Liège, Louvain, Bruxelles, Malines, Anvers, Gand, Bruges, Dunkerque, Gravelines et Calais.À la suite de ses pérégrinations, il donne une brève et savante « Histoire de l’escalade de Genève » qu’il illustre d’une échelle d’assaut, et un récit « Touchant le Vésuve », à propos du tremblement de terre de juin 1688 et d’éruptions plus récentes. L’ensemble est complété par un « Itineraire ou Indice alphab. des principales villes d’Italie », table des principales villes d’Italie et de la distance qui les sépare, avec quelques brefs commentaires, des abréviations et des étoiles ; et un itinéraire : « Chemin de Paris à Lyon par le Gastinois Nivernois et Bourbonnois ».D’autres dessins illustrent ces pages : une croix et une inscription reproduites d’après un tombeau à Rome ; un diamant ; des pilotis dans le Rhône qui facilitent la pêche de la truite.Ex-libris Giannalisa Feltrinelli. 
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012 Françoise d’Aubigné, marquise de MAINTENON (1635-1719) épouse secrète de Louis XIV, fondatrice de la maison de Saint-Cyr pour les jeunes filles.  Image
012 Françoise d’Aubigné, marquise de MAINTENON (1635-1719) épouse secrète de Louis XIV, fondatrice de la maison de Saint-Cyr pour les jeunes filles. 
L.A.S. (paraphe), Meudon 14 avril [1711, à Catherine Travers du Pérou (1660-1748)] ; 4 pages in-8.Recommandations à la Supérieure de la maison d’éducation de Saint-Cyr, le jour même de la mort du Grand Dauphin [Louis de France, Grand Dauphin (1661-1711), fils aîné de Louis XIV, mourra de la variole le soir même à 23 h 30, à Meudon. Saint-Simon a raconté sa mort, dans une page saisissante des Mémoires].« La petite verole de Mgr va a souhait il en a beaucoup au visage il est presque sans fievre, et si ce mal ici devenoit dangereux ce seroit une grande trahison.Le Roy sennuye un peu il alla hier se promener a Marli.Je passai le jour dans mon lit avec un reste de fievre et une medecine jamais jour ne ma paru plus long je receus beaucoup de visittes je ne pouvois escrire ni travailler je suis accablee de lettres et je nai point M. d’Aumale [sa secrétaire].Nous irons dicy a Marli pour trois semaines et Mgr demeurera a Meudon 40 jours. Je ne sai veritablement quand je pourrai aller a St Cir, lair mi paroist empesté et je crains pour nos princes.Quand je pense aux precautions que jai pris pour Janette, et quelle a eü la rougeole, je deviens plus timide.Vivons au jour la journée et faisons le mieux que nous pourrons. Vous avés grand besoin de courage ma chere fille pour soutenir tant dembaras, cest dans ces occasions la qu’il faut susprendre tout ce qui n’est pas dune necessité absolue.Ne laissés pourtant pas manquer douvrage a celles des demoiselles qui ne sont pas en estat de vous aider dans le coin des malades et dans tout ce que vous avés a faire dans la maison.C’est a cette heure quil faut que les dlles balayent leurs dortoirs leurs classes le chœur &c affin que les sœurs puissent aller ailleurs. Mais dans ces travaux il en faut mettre huit ou il nen faudroit que quatre. […]Jespere que ma Sr de St Pars ne se tiendra pas tranquile a la sacristie. Prenés bien garde aux personnes du dehors et faittes en entrer le moins que vous pourrés. Loccasion fait le larron. Consultés ma Sr de Glapion sur ce remede elle est raisonnable, elle en a lexperience, son estat est singulier, suivés son inclination, je crains quelle ne se fatigue trop.Écrivés moy ma chere fille ou vous mesme ou par quelqu’autre je voudrois bien ne pas passer un jour sans entendre parler de St Cir »…
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013 Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778) écrivain
Manuscrit autographe, [Les Femmes de l’histoire de France] ; 123 pages in-4 sur 64 ff. montés sur onglets en un volume petit in-4 et non rognés, reliure cartonnée papier gris, pièces de titre maroquin rouge sur le plat sup. et au dos.Importante étude inédite sur les Reines qui marquèrent l’histoire de France, depuis les Mérovingiens et Berthe, femme de Pépin le Bref, jusqu’à Marie de Medicis. Toute l’étude est empreinte d’un féminisme avant la lettre, et d’un souci de justice envers ces femmes d’exception, dont Rousseau parle avec une sympathie qui n’exclut pas la rigueur. Ces notes ont été rassemblées par Rousseau en vue de l’ouvrage sur les femmes que Rousseau entreprit entre 1746 et 1750 pour sa protectrice Mme Louise Dupin (1706-1799) et qui ne vit jamais le jour. Il est écrit à l’encre brune sur papier vergé sur la moitié droite des pages, de la belle écriture de Rousseau, avec des pages intégralement biffées, ou fortement modifiées, avec des additions remplissant la colonne de gauche, de la main de Mme Dupin ou de Rousseau lui-même. La source principale de Rousseau est l’Histoire de François Eudes de Mézeray ; l’écrivain cite aussi l’Histoire de France, contenant le règne des rois des deux premières races de Louis Le Gendre. Son ordre n’est pas strictement chronologique, et Rousseau ne prétend pas à l’exhaustivité. Environ cinquante femmes des dynasties des Mérovingiens, Carolingiens, Capétiens et Valois sont passées en revue, jusqu’à la première Reine des Bourbons, Marie de Médicis, avec quelques digressions pour tenir compte d’autres personnalités marquantes : Jeanne Hachette, défenseur de Beauvais ; Madeleine de Senneterre, redoutable adversaire du lieutenant en Auvergne d’Henri III, Montal ; Mme de Châtillon, de Châtillon-sur-Loing, qui défia les Ligueurs ; les Rochelaises qui défendirent leur ville assiégée… Rousseau dépeint ces femmes comme sages, prévoyantes, courageuses, habiles en diplomatie, promptes à agir, parfois dangereuses, d’excellents défenseurs du royaume et des rois, – souvent méconnues, voire calomniées, mais presque toujours admirables. Aussi conteste-t-il fréquemment les jugements de Mézeray : « Il ne faut pas être grand critique pour sentir qu’une telle réfléxion sent l’injustice »... « Est-il incontinent de se marier ? Est-il décent que l’histoire parle ainsi »... « Mezerai parle de cette dernière comme d’une femme de mauvaise vie »... « Mezerai parle si indécemment que nous ne pouvons nous empescher de répéter à cette occasion que la vérité et l’intérest de l’histoire souffrent trop de la licence avec laquelle on se permet de parler des femmes »... « Mezerai ne s’épargne pas à propos de ces règnes de dire que l’ancien esprit des François ne pouvoit souffrir la domination d’une femme. On n’apperçoit, cependant, aucun trait qui puisse fonder cette réfléxion, quoiqu’il insinue que dans les Etats tenus à Pontoise en 1561 les Deputés en étoient occupés »... Plus généralement, il condamne le « faux zèle » des historiens pour la loi salique...Citons quelques extraits des portraits de Rousseau. Berthe aux grands pieds, femme de Pépin le Bref. « Sous cette race [les Carolingiens] les femmes ne furent pas privées de pouvoir et plusieurs s’en montrèrent dignes. Berthe fut couronnée solemnellement avec Pepin son mari. Ils vécurent dans la plus grande union ne se separant jamais l’un de l’autre. Cette Princesse accompagna Pepin dans ses guerres en Aquitaine et en Allemagne. Mezerai lui donne sans hesiter le titre d’Héroïne. Après la mort de Pepin il y eut de la dissention entre ses fils Charles et Carloman elle sut empêcher que cela n’allât jusqu’à une discorde ouverte employant à propos son autorité et ses remontrances »... Ogive de Wessex, fille d’Édouard I d’Angleterre, seconde femme de Charles III le Simple. Rappelée d’exil avec son fils Louis IV, après la mort de son mari et celle de Raoul de Bourgogne, elle fit face à plusieurs rébellions avec courage, « combattant et marchant à la tête de ses troupes qu’elle conduisoit hardiment d’un côté tandis que son fils les ménoit de l’autre ; de sorte, dit Mezerai, que cette Princesse eut un courage viril jusqu’à 65 ans qu’elle retomba dans sa foiblesse naturelle en épousant Albert. Ce mariage dit-il si honteux à la Reine montre que ce sexe aime toujours avec manie et n’est que fort rarement aimé sans deshonneur. Cela ne montre-t-il pas encore plus clairement qu’un auteur est fou de l’envie de dire du mal des femmes »... Frédégonde et Brunehaut, Reines Franques, font l’objet d’un récit complexe. « Frédégonde se trouvant seule chargée du poids du sceptre dans un tems si orageux ne perdit point courage. Elle sut faire face à la puissance de Childebert. Elle lui surprit deux places Braine et Soissons qu’il avoit lui-même surprises quelques années auparavant. Childebert envoya une armée pour reprendre ces places avec ordre à ses généraux de poursuivre Frédégonde et de la lui amener vive ou morte ; elle assembla ses troupes et alla à leur tête au devant des Austrasiens, elle remporta en personne une victoire signalée sur eux, les poursuivit jusqu’à Reims ; et elle revint à Soissons chargée de gloire et de dépouilles. Le Gendre [...] ajoute qu’il ne resta à Childebert que la honte d’être vaincu par une femme et par un enfant. Cette refléxion est-elle judicieuse ? [...] est-il plus glorieux d’être vaincu par un Général mâle que femelle »... Éléonor [Aliénor d’Aquitaine], femme de Louis VII le Jeune. « Cette Princesse, outre ses grands héritages avoit des prétensions sur le Comté de Toulouse. Elle sollicita le Roi de les faire valoir. Ce fut sans doute aussi l’avis de son Conseil mais parce que l’entreprise ne reussit pas pour le moment la Reine est nommée seule et blâmée de ce projet. St Bernard exhorta le Roy à se croiser, la Reine Mère [Alix de Savoie] et la Reine le suivirent ; il mena en Orient un tiers de ses sujets dont il ne revint pas la 10e partie. Dans cette croisade des escadrons entiers de femmes s’étoient croisés et n’avaient pas cru faire assés de prendre la croix : mais avoient voulu prendre les armes pour la deffendre. Elles composèrent des troupes de leur séxe qui rendent croyable tout ce qu’on a écrit des Amazones. Ce sont les termes de Mezerai. Ne retrouve-t-on pas dans tous les siècles assés d’evenemens où les femmes se montrent capables du courage militaire, pour qu’il soit absurde d’établir que c’est par incapacité qu’elles ne font pas la guerre »... Alix [Adèle] de Champagne, troisième femme de Louis VII, « couronnée Reine en 1158 dans l’Eglise de Reims. Elle étoit belle et vertueuse, et ornée d’une excellente éducation qu’elle avoit receuë à la cour de Thibaut son père. Cette Princesse étoit splendide et liberale selon l’humeur de sa maison qui se trouva conforme à celle du Roy. Louis 7 mit dans son Palais et dans sa suitte une pompe plus grande et plus convenable que celle de ses prédecesseurs. Alix aimoit les beaux arts, elle s’amusoit de la Poësie et de la Musique. Elle récompensoit liberalement les travaux de l’esprit. Enfin cette Princesse étoit généralement bonne ; elle fut généralement aimée »... Marie de Moravie [Agnès de Méranie], troisième femme de Philippe II Auguste, répudiée après que le Roi eut repris sa deuxième femme, Ingeburge de Danemark, l’emmenant de sa prison « en croupe derrière lui à Paris ». Malgré la légitimation de leurs enfants, elle « mourut de douleur de ce que son mariage n’avoit pas été légitime. Ces sortes d’actions sont-elles justes ? S’il y avoit à tels divorces de grands motifs pour les Etats et que les bons procedés fussent alors observés, ce pourroit être le cas d’un accomodement avec le Ciel et avec la terre, mais sur de simples fantaisies qu’on fait valoir avec rigueur n’est-on pas blamable ? Philippe Auguste fut un grand Prince. Il a mérité les louanges qu’on lui a données : mais il a mérité aussi des reproches qu’on ne lui a pas faits. On peut dire qu’il fut un très méchant mari, et cela doit être de quelque valeur dans le caractère »... Blanche de Castille. « Louis 8 fut sacré à Reims avec sa femme Blanche de Castille. Ils vécurent ensemble 26 ans dans la plus grande union. Blanche se montra si capable de raison et de bon conseil dès sa plus grande jeunesse que même du vivant de Philippe-Auguste [son beau-père] elle étoit écoutée et consultée. À la mort de son mari son regret fut extrême comme l’avoit été sa tendresse. On peut dire que l’union de ces Princes fut un modèle parfait de la societé du mariage. [...] Elle fut declarée tutrice du Roy son fils, et Régente du Rme. Quoique tous les historiens ayent peint cette Princesse comme une femme d’un grand esprit d’un grand courage et en un mot digne de régner, quoique son gouvernement fut juste et doux, les Princes se liguèrent contre elle [...]. Elle sut y resister et réduire les plus mutins ; elle entreprit une guerre à laquelle Philippe Auguste sembloit n’avoir osé toucher. [...] Blanche fit si bien qu’elle écarta les conjurés, qu’elle se débarrassa de toutes les factions, et qu’elle rendit son fils le plus puissant Prince de l’Europe. Les guerres qu’elle entreprit tournèrent à sa gloire. Elle accompagnoit toujours son fils à la tête de ses armées »... Marie d’Anjou, « femme de Charles 7 fut parfaittement belle et eut beaucoup d’esprit et de prudence dont les Conseils profitèrent souvent. Elle rassuroit par sa constance les esprits troublés, et savoit fournir des expédiens au besoin. Elle découvrit souvent les desseins des ennemis et souvent les arrêta. Ses remontrances empeschèrent le Roi de se retirer en Dauphiné et d’abandonner les terres de deça la Loire. Elle bannit beaucoup de vices de la cour, et par ses bons exemples y établit les vertus contraires. Le Roi la considéra et l’aima près de 20 ans, au bout desquels il prit du gout pour différentes maîtresses »... Anne de Bretagne, « deux fois Reine de France et constamment digne d’être assise sur le trône. Elle eut part au gouvernement sous les règnes de ses deux maris, Charles 8 et Louis 12, fut regente dans leur absence ; elle gouverna la Bretagne en particulier ; il semble qu’on lui reproche d’avoir été jalouse de son autorité, comme si l’on oublioit à l’égard des femmes que c’est un devoir des souverains »... Catherine de Medicis. Elle eut « une grande influence dans les affaires du gouvernement sous les règnes de ses enfans et par le tems de ses régences et par la confiance qu’ils eurent en elle. Elle avoit eu précédemment celle de son mari. L’amour qu’il eut pour Diane de Poictiers ne diminua rien de la considération qu’il eut pour Catherine. [...] Il est impossible de concilier ce que l’histoire dit de cette Princesse, elle rend justice à ses talens politiques, mais elle dit qu’elle avoit de l’ambition : cette expression est si impropre pour la personne des Rois que nous ne l’entendons pas. [...] Catherine de Medicis avoit trop de part aux affaires pour n’être pas condannable sur l’horrible massacre de la St Barthelemi, quoique d’autres puissances soient à blamer dans cette occasion puisque les Cours de Rome et d’Espagne en furent complices et ne feignirent pas d’en marquer leur joie, quoique son fils eut 23 ans l’horrible jour de cet événement, quoique la Religion servît de pretexte à cette inhumanité »... Etc. 
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014 René Antoine Ferchault de RÉAUMUR (1683-1757) physicien et naturaliste
L.A.S., Paris 16 mai 1753, au médecin et naturaliste suisse Abraham Gagnebin, à La Ferrière par Neufchatel ; 5 pages in-4, adresse avec cachet de cire rouge aux armes (cachet un peu écrasé, fentes et déchirures au feuillet d’adresse, n’affectant pas la lettre). Belle et longue lettre scientifique. Il s’excuse du retard à lui répondre : « vous devez etre accoutumé à mon trop peu d’exactitude ». Il voulait également envoyer le thermomètre demandé par le frère de Gagnebin : « Je ne suis assez sur que de ceux qu’on fait chez moy ; Mr Brisson [Mathurin Jacques Brisson (1723-1806, collaborateur de Réaumur puis de Buffon)] qui les gradue avec beaucoup de précision, est chargé de toutes les préparations de ce qui arrive journellement pour mes cabinets, il en a été surchargé depuis le commencement de l’année, et n’a pu trouver le temps de finir le thermometre que je lui avois demandé, que depuis peu de jours ». Il va donc le lui envoyer, dans une boîte trop grande dont il a comblé le vide par « quelques bagatelles […] comme par des bayes dont on tire la cire à Cayenne, et un morceau de cette cire qui tient beaucoup du suif par quelques uns de ces polypiers qui ont été pris cidevant pour des plantes marines, par un lybhophete, par un de ces scarabées de Cayenne dont les femmes prennent les aisles pour se faire des pendants d’oreille, par un autre scarabe de St Domingue »… Il remercie de l’offre « d’un rat blanc embaumé », mais il en a déjà de cette couleur, « de grands et de petits »…. Puis il en vient aux oiseaux : « Comme j’ignore les oiseaux que votre pays peut fournir, j’ignore aussi s’il en a de ceux qui manquent actuellement à mes cabinets. Je pense pourtant qu’il s’y doit trouver des espèces de vautour de celles dont le col paroist deplumé, et n’a au moins que des plumes très courtes. Ces espèces me manquent. Peutetre avez vous aussi quelques especes de faisans particulieres differentes du faisan noir. Avez-vous les choucas à bec rouge et à bec jaune. Ces sortes de corneilles qui sont dans mon cabinet sont assez mal conditionnées »… Quant au baromètre, il ignore « de combien l’observatoire de Paris est elevé audessus de mon habitation. Ce peut etre de 13 à 14 toises. Cet observatoire est elevé audessus de la mer de quarente ou quarente et quelques toises. On n’a pas cette elevation avec une grande precision n’aiant été mesurée que par le barometre ». Il envoie cependant les observations sur la hauteur du baromètre « pendant les huit premiers jours du mois de mars », observations « faites a cinq heures du matin »… Il ne sait rien de « la construction et de la force de l’aimant artificiel de Le Maire », ni de l’ouvrage du capucin Meliton « sur les carreaux mipartis de deux couleurs »… « Mes intentions par rapport aux descriptions des arts et métiers sont de publier celles que j’ai faites quand j’en aurai le temps. Mais quand puis-je esperer de le trouver ? Je l’ignore. Le temps m’est enlevé par tant d’occupations et de distractions differentes qu’il ne m’en reste pas pour finir et faire paroitre au jour plusieurs ouvrages très avancés ». Puis il évoque la disparition de Laurent Garcin (1638-1752), qui lui envoyait régulièrement les publications helvétiques : « C’étoit un homme veritablement estimable par ses connoissances, et par ses vues utiles au genre humain ». Il termine en donnant les prix de quelques ouvrages scientifiques, dont ceux du père Plumier…
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015 VOLTAIRE (1694-1778) écrivain
L.A.S. « V », aux Délices 22 mars [1756, à François-Louis Defresney, directeur des Postes à Strasbourg] ; 2 pages in-8. « Mille compliments à toutte votre famille, mon cher correspondant. Madame Denis vous en dit autant.Je vous supplie de me faire l’amitié de donner cours aux incluses. Si javais eu de la santé, et si javais pu me séparer de Madame Denis jaurais été voir jouer à Berlin l’opéra de Mérope que le roi de Prusse a composé sur certaine tragédie de ma façon, et je serais venu vous embrasser à Strasbourg.Je vous conjure de vous faire rembourser des petits frais qui peuvent vous être occasionnez par les libertez que je prends avec vous »...[Voltaire écrit dans ses Mémoires : « Le roi de Prusse est revenu à moi, il m’envoya en 1755 un opéra qu’il avait fait […] C’était sans contredit ce qu’il avait jamais fait de plus mauvais. »] Correspondance, Pléiade t. IV, n° 4415. 
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016 Friedrich Melchior, baron von GRIMM (1723-1807) diplomate et écrivain allemand, il vécut en France dans le cercle des Encyclopédistes et rédigea la Correspondance littéraire, philosophique et critique Image
016 Friedrich Melchior, baron von GRIMM (1723-1807) diplomate et écrivain allemand, il vécut en France dans le cercle des Encyclopédistes et rédigea la Correspondance littéraire, philosophique et critique
28 L.A. (dont une signée), 1766-1783 et s.d., à Michel-Jean Sedaine ; 55 pages in-8, plusieurs adresses (tampons des archives Sangnier), une lettre incomplète.Intéressante correspondance sur l’actualité théâtrale. 29 décembre 1766. Il transmet une lettre sur laquelle il voudrait le sentiment de Sedaine :« Vous direz d’abord que ces gens-là commandent un opéra comique comme une paire de sabots, et j’espère vous nous l’apprendrez bientôt. On dit que cette pièce est faite. Je vous souhaite un musicien digne d’elle. Pour revenir à ma lettre, je vous prie de me mander si vous avez par hasard quelque sujet en tête que vous puissiez abandonner à ces gens-là pour quelques mois. Comme on propose en tout vos pièces pour modèle, j’ai trouvé naturel de m’adresser à vous directement. Ce qui me fait risquer cette démarche, c’est que votre poème serait mis en musique par un très célèbre et très habile compositeur »… Lundi 17 [vers 1778 ?]. Envoi de l’épreuve d’un second acte [de Raimond V ?] : « Je suis bien aise qu’on vous tourmente pour le 3e. Plus l’ouvrage de Constance sera parfait, plus il sera digne d’elle. Je ne suis pas embarrassé de mon rôle parce qu’en dernier ressort je suis toujours pour l’auteur qui connait bien autrement son ouvrage que le lecteur le plus attentif »… Vendredi 26 [octobre 1781]. « Vous pouvez assurer M. Sedaine que sa pièce [Les Journalistes ?] a été jouée et rejouée et demandée et redemandée, et que les représentations en sont très suivies. J’ai reçu sa tragédie que je m’en vais lire avait toute chose »… Samedi 14 juin [1788 ?]. « Vous procédez actuellement à la Diderot d’heureuse mémoire. J’avais demandé un opéra comique, et vous me proposez maintenant deux pièces au lieu d’une, mais destinées pour le grand théâtre et vous oubliez qu’il ne s’agit que d’un théâtre particulier où les chœurs, les ballets et les décorations ne peuvent pas jouer le principal rôle. Si Pagamin est véritablement arrangé en opéra comique, je vous prie de me l’envoyer et je dirai que des occupations indispensables vous ayant empêché de songer à la Bergère des Alpes, vous envoyez cette pièce en attendant »… 15 juin. « J’ai lu votre Pagamin, et je pense que Rosette ferait une jolie sœur cadette à Aline. Elle me paraît tout à fait propre à être mise en musique d’un bout à l’autre et à faire fortune plutôt sur le théâtre de l’Opéra que sur celui de la Comédie italienne »… Ce mardi au soir. « Je compte bien qu’après la première pièce envoyée et jouée nous ferons beau train et que la bombe tombera au milieu des bucherons. Mais au bout du compte ceci n’est que mon idée, et vous êtes bien le maître de vous vanter dès à présent, si vous croyez que cela fasse perdre les cognées ». Il a reçu la veille une lettre impériale [de Catherine II] disant ceci : « Donnez-nous donc au plutôt du Sedaine, du Sedaine gai, car je n’aime pas le triste, et même je m’afflige le moins que je peux des malheurs dont je vois qu’on prend le deuil ailleurs ». Ainsi « vous voyez que si vous ne travaillez pas, ce sera pure malice de votre part »… Jeudi 17 décembre. Relative à sa demande d’appui pour une candidature : « Expliquons-nous, monsieur, et ne badinons pas. Je n’entends rien à la politique, et vous me parlez de celle de l’Académie. La personne au nom de laquelle j’ai osé solliciter humblement votre voix y entend encore moins […]. Je croyais m’adresser à un académicien et vous me répondez comme un membre d’un district ou d’un comité permanent »… Vendredi 18. Suite du différend :« Mais, mais, voyez donc comme l’Académie rend inflammable ! Toutefois si j’étais bien sûr, Monsieur, de vous avoir fâché, j’en serais très glorieux ; je croirais presque avoir un peu de votre génie qui avec des riens sait produire de grands effets. Mon billet et votre colère ! »… Jeudi 13. « Je regarde votre billet comme un engagement, et à moins que vous ne me fassiez dire le contraire, ou me le signifier par huissier […], je lui mande positivement que vous lui demandez votre revanche. Sans doute que nous avons perdu, puisque la pièce n’est pas jouée au moins préalablement car je ne désespère pas qu’elle ne le soit. […] Dites-moi que vous avez un sujet dans la tête […]. Ceux dont l’Impératrice demandait des canevas qui n’ont jamais été faits, étaient 1° Les politiqueurs 2° Les novellistes 3° Le dissipateur 4° L’Étourdi ou bien celui sur la parole de qui personne ne peut compter, parce qu’il est inconséquent, toujours en contradiction avec lui-même et qu’il n’a ni parole ni action fixe 5° Le mauvais maître, n’aimant que lui, injuste, maltraitant des gens, ayant le génie du tyran qui rend méchant tout ce qui l’entoure. À cela j’ajoute qu’on pourrait faire le bon maître, car cela reviendrait au même pour l’effet, pourvu que la pièce reste comique. […] Contentez-moi cette femme, je vous en prie »… Mercredi 18 juin. Remerciements pour son épitre et sa préface à laquelle il a apporté quelques corrections. Il se charge de l’envoi des exemplaires de l’Impératrice et du Prince Henri et « l’ambassadeur de Suède se chargera sans doute de l’exemplaire pour son maître ». Il est également question des livrets de Pagamin et de Philémon et Baucis… S.d. « Je me félicitais hier toute la soirée comme si j’étais l’auteur de la pièce, j’avois aussi l’âme serrée, et je l’ai encore. Si cette pièce n’a pas le plus grand succès sous quinze jours, si l’on n’y court pas comme des fous, si l’on n’en sort pas plein de joie d’avoir fait connaissance avec une si honnête et digne famille, il faut que cette nation soit maudite et que le don de juger et de sentir lui ait été retiré ; mais il n’en sera pas ainsi. […] Soyez sûr qu’une nation dont le recueil de comédies seroit composé de telles pièces, en deviendroit plus respectable et dans le fait meilleure. Quelle foule de mots vrais et touchants, et comme tout porte ! ». Il a été enchanté par le jeu de Préville et Molé… Mardi matin. « Au lieu de sabrer, couper, tailler, rogner, ajouter, vous me proposez vos idées comme si j’étais l’auteur de la pièce et que je n’eusse qu’à décider, accorder, refuser. […] Mais je ne donne pas dans le panneau et je ne puis prendre ni le rôle de troubadour ni celui de jongleur »… Etc. Et plusieurs courriers accompagnant l’envoi d’épreuves avec ses corrections et suggestions, lettres de félicitations pour les pièces de Sedaine, remerciements pour l’envoi d’exemplaires, etc. 
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017 Thomas-Arthur de LALLY-TOLENDAL (1702-1766) gouverneur des Indes, vaincu par les Anglais ; accusé de trahison, il fut décapité Image
017 Thomas-Arthur de LALLY-TOLENDAL (1702-1766) gouverneur des Indes, vaincu par les Anglais ; accusé de trahison, il fut décapité
Manuscrit autographe, Tableau historique de l’expédition de l’Inde, [1766] ; cahier de 27 pages in-fol., lié d’un ruban vert.Mémoire pour sa défense, exposant les difficultés auxquelles il dut faire face et la mauvaise volonté et les défaillances de ses collaborateurs, notamment du comte d’Aché, commandant l’escadre de la mission, du lieutenant-colonel Bussy, qui tenait le Deccan, et du conseiller Moracin, qui commandait la garnison française de Masulipatam. Le manuscrit présente de nombreuses ratures, corrections et additions ; la fin en a été fortement remaniée. Après remaniement et développement, cette relation fut publiée en 1766 sous le titre Tableau historique de l’expédition de l’Inde pour le comte de Lally, contre M. le Procureur Général (Paris, impr. de Simon).Nommé au mois d’août 1756 pour commander l’expédition de l’Inde, Lally a connu aussitôt des obstacles : un départ retardé, une réduction sévère des forces prévues, et une traversée inhabituellement longue (12 mois), ayant pour conséquence que les amiraux britanniques purent joindre leurs forces et arriver à la côte de l’Inde avant les Français… L’avantage qu’eut le chevalier de Soupire de débarquer à Pondichéry des mois avant tout le monde fut perdu car le sieur de Leyrit [le gouverneur] « l’a tenu pendant ces 8 mois dans l’inaction et a consommé sans fruit l’argent qu’il avoit apporté d’Europe »… Dès son arrivée, Lally livra combat et perdit un vaisseau de 74 pièces de canons. Il assiégea Saint-David avec succès, puis prit Divicottey, mais le comte d’Aché s’était éloigné à 60 lieues de crainte de l’escadre anglaise et refusa de protéger la marche de Lally vers Madras… Là-dessus Leyrit annonça qu’au-delà de 15 jours, il ne paierait ni ne nourrirait l’armée, mais que Lally obtiendrait des fonds en intimidant le Raja de Tanjaour, qui avait une vieille dette à la Compagnie des Indes… Au cours de cette opération infructueuse, Lally fut victime d’une tentative d’assassinat par un général de cavalerie noir parvenu jusque sous sa tente par ruse : l’aventure se solda par la mort de l’assassin et de ses 50 cavaliers… Ayant appris que Pondichéry était menacé, Lally y retourna pour découvrir que le comte d’Aché abandonnait la côte pour se mettre à l’abri à l’Île de France [Maurice], et que Bussy et Moracin refusaient de collaborer à une expédition à Madras, voire d’obéir aux ordres… Lally multiplie les précisions sur les combinaisons échafaudées pour solder l’armée… Il occupa rapidement Madras (13 décembre 1758), mais pendant ce temps, l’escadre de M. de Léguille, qui amenait à Pondichéry 4 vaisseaux du Roi et 3 millions, fut retenue par d’Aché à l’Île de France, alors qu’elle eût été maître de toute la côte de Coromandel, eût empêché la compagnie anglaise de débarquer 600 hommes à Madras, et eût permis de reprendre ce qu’on avait perdu dans le Bengale... « Quelle autre cause cherche t’on donc de la perte de Pond[ichéry] et de toute l’Inde »… Les malheurs s’accumulent : Lally manque de succomber à une « fièvre chaude », une partie de l’armée se révolte, le comte d’Aché reparaît après 13 mois d’absence pour annoncer qu’il part le lendemain pour les îles, et une protestation du Conseil ne réussit qu’à ramener cet amiral à Pondichéry pour quatre jours avant sa disparition définitive, et cela malgré la nouvelle que l’armée venait de gagner une bataille, « evenement qui eut decidé tous les princes du pays en notre faveur sans cet abandon subit de l’escadre »… Il commente avec amertume : « Si toutes ces manœuvres, si toutes les horreurs qui les ont suivies […], si l’attentat à la vie du cte de Lally et à celle de l’intendant de son armée qui les a couronné, paroissent des evenements simples et dus au hasard seul, il est inutil que le cte de Lally ouvre la bouche pour sa deffense »… Et de donner de nouvelles preuves de la perfidie de Leyrit, et de la mauvaise volonté du Conseil à appuyer ses négociations pour approvisionner Pondichéry, et des explications sur « ces fameuses campagnes herisséz de victoires que les srs Bussy et Moracin faisoyent retentir dans les gazettes d’Europe », et qui n’étaient autre chose que la mise à contribution des princes du pays… Enfin, la ville de Pondichéry s’est rendue le 16 janvier 1761, le fort intérieur le 17, et après avoir esquivé de nouvelles tentatives d’assassinat, Lally, malade, fut ramené en Europe dans des conditions indignes, pour passer 15 mois en détention sur la foi d’un libelle, avant d’apprendre qu’il serait jugé pour « des depradations et concussions commises dans l’Inde, comme ayant eté cause de la perte de Pondichery »… Le rapporteur n’ayant rien trouvé qui soutînt cette accusation, on obtint de nouvelles lettres patentes du Roi pour diriger une instruction pour haute trahison. « Mais les temoins qui ont deposé contre le cte de Lally n’ont pas meme osé hasarder le mot d’intelligence entre luy et l’ennemy […], les temoins militaires les plus acharnéz contre luy ont deposé formellement qu’ils ne pretendoyent pas inferer cette pretendue intelligence de sa conduite militaire, quoy que blamable d’ailleurs, et en effet il paroît assez dificile de supposer cette intelligence dans un homme qui a porté tout son bien dans l’Inde, et qui l’a sacrifié pour le soutien de Pond. ; dans un homme qui a laissé au tresor de Pond. 400 mil livres de ses appointements pendant tout son sejour dans l’Inde, pour la deffendre contre ce meme ennemi ; dans un homme enfin qui eut fait une fortune eclatante si il eut pu reussir contre ce meme ennemy, et qui ne s’est attiré la haine de ses accusateurs que parce qu’il exigeoit d’eux de l’aider a se deffendre contre ce meme ennemy »… Il rappelle en outre que l’on n’a jamais inquiété les officiers et employés de l’Inde qui se sont attroupés pour l’insulter, et pour tuer l’intendant de l’armée… Et de livrer les conclusions que l’on devrait tirer de sa conduite : « pendant que le sr de Leiryt a payé son armée, il s’est emparé malgré la deffaite de Mr d’Aché et la superiorité de l’ennemy sur mer de toutes les places maritimes que cet ennemy possedoit dans le sud de Pondichery […]. Qu’avec 2700 hommes il a osé assieger, et n’a pu prendre Madras, place forte qui avoit 5 mil hommes pour sa deffense, et qui en outre avoit la mer libre. Que l’armée que l’ennemy avoit en campagne a tenté 4 fois de luy faire lever le siege, et que 4 fois il l’a repoussé et l’a dissipé entierement. Que malgré le mecontentement d’une armée menaçant a chaque instant de passer a l’ennemy et qui s’est revoltée deux fois sur ce qu’elle n’etoit pas payé, le cte de Lally s’est emparé d’un fort jugé imprenable que l’ennemy occupoit dans l’interieur du pays, et que deux mois apres il a battu ce meme ennemy qui est venu l’attaquer sous Vandavachy. […] Que reduit a 700 hommes de troupes regléez contre 15 mil hommes de troupes de terre et 14 vaissaux il a eté contraint de se rendre à l’ennemy apres un blocus et un investissement de 9 mois, et qu’il ne s’est rendu que quand il ne luy a pas resté un grain de ris ou aucune autre espece de nourriture pour sa garnison déjà extenuée »…On joint la copie mise au net, avec une longue addition autographe à l’avant-dernière page (cahier de 28 pages in-fol., lié d’un ruban bleu). 
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018 Augustin PAJOU (1730-1809) sculpteur Image
018 Augustin PAJOU (1730-1809) sculpteur
Feuille avec 5 dessins originaux, plus une note autographe ; 25 x 17 cm ; et demi-page in-8.Précieux et rare feuillet rassemblant cinq dessins à la pierre noire, plume et encre brune, portant d’un côté, cinq bandeaux des « ornemens des loges de la salle d’opéra de Versailles » à laquelle Pajou travailla en 1768-1770 : cinq des « treize bas-reliefs des deuxièmes loges déployant des sujets tirés d’ouvrages lyriques spirituellement joués par des enfants » (Guilhem Scherf, Pajou sculpteur du Roi, 1997, p. 117), présentant des variantes avec le décor définitif. [Un fragment d’une autre feuille, provenant également de ses héritiers, avec seulement les croquis de deux bas-reliefs (Renaud et Armide et Pygmalion et Galatée), fut vendue à New York, Christie’s, 12 janvier 1995, n° 184, 10.000 $]. Notre feuille est annotée à l’encre par le petit-fils de Pajou, le peintre Augustin-Désiré Pajou (1800-1878) : « ornemens des loges de la salle d’opéra de Versailles exécutés par Augustin Pajou ».Ces cinq dessins sont à la mine de plomb, puis repassés à l’encre brune ; ils sont annotés au crayon par Pajou, au-dessus de chaque bandeau.« premier bas relieffe a gauche adossé a la Loge du Roy » : il représente le Triomphe de Bacchus.« Segond » : il représente la Musique.« Troisieme » : il représente la Danse et les Plaisirs ; dans la marge, Pajou a noté la dimension « 119 Pouce ».« 4 », représentant l’Astronomie.« 5 », représentant la Peinture, annoté au-dessous : « Le dernier du costé de l’avant scène ».Au dos, figurent d’autres croquis d’ornements architecturaux, à la mine de plomb (un repassé à l’encre), avec les cotes : frise, dessus-de-porte au chiffre du Roi tenu par des amours, stèle, etc.Note autographe, « pour donner au bronze la coulleur entique. Il faut premierement faire recuire et faire derocher a blanc et puis après le frotter de vinaigre et le faire sécher au soleille ou au feu. Ensuite on prend un once d’esprit de nitre et un once d’esprit de vitriol et des gros de sel de tartre avec cette miction on en frote le bronze qui devient de la coulleur ci-dessus dit ».Cette note est certifiée au-dessous par le petit-fils de Pajou, le peintre Augustin-Désiré Pajou (1800-1878). 
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019 Anne-Robert-Jacques TURGOT (1727-1781) économiste, intendant de Limoges, puis contrôleur général des Finances Image
019 Anne-Robert-Jacques TURGOT (1727-1781) économiste, intendant de Limoges, puis contrôleur général des Finances
L.A., Paris 6 juillet 1776, [à Voltaire] ; 2 pages et demie in-4.Belle lettre à Voltaire, après sa démission forcée des Finances (13 mai 1776).Il a reçu la lettre de Voltaire par l’intermédiaire de M. de Vaines pendant son séjour chez la duchesse d’Enville, à La Roche Guyon. « On ne peut etre plus touché que je le suis de toutes les marques d’amitié que vous me donnés depuis ma retraite. Si je puis un jour aller vous en remercier a Fernei, ce sera un emploi fort doux du loisir qu’elle me laisse, et c’est une esperance a laquelle je serois bien faché de renoncer. J’ai trouvé en arrivant a Paris un nouveau sujet de remerciment. Mr Trudaine m’a remis l’epitre charmante que vous luy avés envoyée pour moi. Je suis fort loin d’ignorer le prix de la gloire, et il faudroit y etre plus qu’insensible pour n’etre pas infiniment flatté d’un pareil eloge venant d’un homme qui en a tant merité »… Il parle brièvement d’un de leurs amis qui vient d’éprouver un grand malheur... « Quant aux affaires du pays que vous habités, je ne suis plus à portée d’etre utile a ses habitans : mais Mr Trudaine et Mr de Fourqueux suivront l’execution de ce qui avoit eté arrangé. L’un et l’autre ont les memes principes que moi et n’ont pas moins de zele pour le bien. Mr de Clugni est homme d’esprit et je serois surpris qu’il ne soutint pas ce que j’ai pu faire d’utile à moins qu’on ne le gênât dans son administration. J’avoue que si cela arrivoit, j’en serois fort affligé »… Il termine en ironisant sur le contrôle de sa correspondance : les lettres lui parviennent « sans difficulté, sauf le petit inconvenient d’etre ouvertes a la poste. Je ne sais si en les faisant passer par Mr de Vaines ou Mr Fargès, on est bien sur de tromper la curiosité de Mrs les gens de lettres »… En tête, note autographe de Voltaire : « de M. Turgot ». 
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020 André CHÉNIER (1762-guillotiné 1794) poète Image
020 André CHÉNIER (1762-guillotiné 1794) poète
Poème autographe, Epître à Monsieur de Voltaire par un jeune homme de 13 ans, suivi d’une L.A.S. « De Chenier De Courmenay », à Voltaire, [vers février 1778] ; 3 pages in-4.Document très exceptionnel du tout jeune poète, consistant en une épître de 58 vers, plus un sizain d’hommage, suivis d’une lettre à Voltaire. [On notera que le poète s’est rajeuni en se donnant comme « un jeune homme de 13 ans », puisque ces vers célébrant le prochain retour à Paris de Voltaire ont dû être composés à la fin de 1777 ou au début de 1778, c’est-à-dire, à l’âge de 15 ans.]« Quoy verrai-je en effet, verrai-je dans ces lieux,                              Celui qui fit la Henriade,Ce grand homme de qui le pinceau vigoureux                               Egala l’antique Illiade :Verrai-je cet auteur de qui mille rivaux                               N’ont fait qu’illustrer la carriere,Cet auteur, qui du goût aidant tous les travaux                               Lui sçavoit ouvrir la barriere ;Ce celebre Voltaire aimé par la valeur,                      Qui la chantait avec tant de genie,Des Calas opprimés ce zelé defenseur,                             Qui voulut leur sauver la vie ;Des beaux arts gemissant ce digne Protecteur,                        Dont l’éclat sçut vaincre l’Envie ;Ce Poëte fecond toujours sur du succès,                           Et fait à donner des merveilles,Qui conserva le sang du Sophocle français,                           Et le retraça dans ses veilles.Je le verrai lui-même, et je n’en doute pas :                         Je verrai cet homme admirable »...L’auteur se présente brièvement dans un hommage séparé de l’épître par des ornements calligraphiques : « Tu seras étonné si tu sais qu’à treize ans                        Et dans la faiblesse de l’ageImprudent que je suis, je t’offre mon encens                        Dans ce méchant petit ouvrage »...Dans sa lettre, Chénier rappelle au souvenir de Voltaire qu’un « certain Mr de Courmenay » lui écrivit en septembre 1777 pour l’exhorter à « venir triompher à Paris en dépit des ignorants, des Bigots, et des envieux »... La nouvelle de son arrivée lui fit ensuite « un plaisir incroyable », et lui dicta ces vers « que vous trouverez sans doute assez mauvais, mais qui n’en sont pas moins sinceres »... Cependant, il ne conçut pas lui-même le dessin d’écrire à Voltaire : « sentant combien j’avais besoin d’indulgence, je me taisais, et je vous admirai tout bas ; mais [...] Made de Chenier, ma mere, que je ne pourrais trop louer, si elle ne l’etait pas, Mr de Lusignan, mon grand oncle, qui m’a assuré avoir fait ses études avec vous, et plusieurs autres personnes qui ont la bonté de s’intêresser au très-médiocre talent que je fais paraître pour la poësie m’en ont pressé plusieurs fois, et je me suis haté de faire pour vous cette Epître ; si elle vous déchire les oreilles, comme un bon chrétien vous me le pardonnerez »... Il demande néanmoins une gratification particulière : « Si vous vouliez de votre mainM’écrire un mot, un seul mot, ah ! peut êtreD’un tel honneur je serai vainMais aussi comment ne pas l’être ? »...Et de l’assurer : « La lettre que vous aurez la bonté de m’écrire sera pour moy une Relique prétieuse, et me rappellera tant que je vivray le plus grand homme qu’ait eu le Dixhuitiême Siecle »...Cette épître est restée inconnue de Gérard Walter et ne figure pas dans son édition des Œuvres complètes de Chénier dans la Bibliothèque de la Pléiade.Ancienne collection Robert Gérard. Exposition Voltaire, Bibliothèque Nationale, 1979, n° 640. 
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021 Honoré-Gabriel de Riquetti, comte de MIRABEAU (1749-1791) le grand orateur des débuts de la Révolution Image
021 Honoré-Gabriel de Riquetti, comte de MIRABEAU (1749-1791) le grand orateur des débuts de la Révolution
L.A., [donjon de Vincennes] 4 novembre 1779, à Sophie Monnier ; 4 pages in-4.Très ardente et belle lettre d’amour du prisonnier de Vincennes à sa Sophie.Sophie a écrit au père de Mirabeau une lettre pleine de noblesse, de chaleur et même d’adresse, puisque la mère de Sophie la verra aussi : Mme de Ruffey n’osera avouer qu’elle préfère perdre Mirabeau que sauver sa fille, et quoique Mirabeau doute du succès de leurs efforts, tant que son père s’obstine, il est inutile d’aider « les assassins » à assassiner. Lui-même n’est pas éloigné d’un accommodement : « Prends pour guides des gens de loix non suspects ; ne fais rien que de leur avis, parce qu’enfin les intentions des négociateurs, qui t’ont déjà tant menti, et caché de choses, ne sont pas très nettes ; mais vas en avant dans tout ce que tes conseils approuveront, pourvu que le premier pas soit l’anéantissement de la procédure. Je dis l’anéantissement absolu, qui me paroit ôter toute espèce de preuves contre moi »… Il cite un extrait d’une lettre de son « bon ange » [BOUCHER] qui craint que Sophie n’ait compris ni l’enjeu de la partie, ni la proposition de l’adversaire ; puisqu’il y a procédure, son mari ne pense pas à reprendre sa femme, mais il serait de l’intérêt et de l’honneur du mari de faire annuler la procédure ; la conciliation serait peut-être le seul moyen « “d’opérer la liberté de tous deux” ». Certes, cette idée « “a des inconvéniens, des gênes, et peut-être des dégoûts, mais on peut dompter tout avec la liberté et la raison, et qu’est-ce que la raison contre la captivité ?” »… Méditant les remarques de son avocat, Mirabeau estime qu’en cas de révision, la rentrée de Sophie chez son mari pour recouvrer ses droits ne serait plus « qu’un inconvénient que ton courage pourroit te persuader de franchir »… Il s’inquiète de sa santé, ainsi que de celle de la vieille abbesse qui lui a été bonne ; au reste, « ce n’est que dans un état obscur qu’on peut se mettre à l’abri des méchans et des Rois. La noblesse qui fut et sera toujours la pépinière des satellites du despotisme, a trouvé dans son crime même sa punition. Promoteurs du pouvoir arbitraire nous en sommes les premières victimes et cela est juste. J’ai bien démontré cela dans un grand ouvrage que tu verras quelque jour, et qui, je crois, sera mon dernier tribut à mon pays ; voilà où nos folles sollicitations nous conduisent ; nous ne comptons que sur le crédit pour nous défendre des loix ; et les loix ne peuvent plus nous défendre contre le crédit. Puisqu’elles n’ont plus de pouvoir contre nous, pourquoi en auroient-elles pour nous ? Ô pauvre ! pauvre humanité ! C’est de toi que te viennent tous tes maux ! »… Revenant à leur propre dilemme, il se livre à des réflexions sur ce que chacun doit présumer, redouter et cacher : « il est impossible que ni mon père ni Mde de R. pensent, espèrent, projettent que si nous recouvrons chacun notre liberté, nous ne nous revoyions jamais ; ce seroit un peu trop présumer de leur autorité, ou de leur éloquence. Je te réponds encore que mon père continuera à t’écrire tant que tu voudras […] et que tu lui écrirois dix ans que tu n’obtiendrois pas de lui la pointe d’une aiguille, mais du moins tu pourras lui glisser quelques insinuations, et c’est quelque chose »… Quant à D.P. [DUPONT (plus tard de Nemours), qui travaille à son élargissement], Mirabeau lui écrira une lettre froide, et si l’autre rompt, il en fera les frais : « c’est une conduite que j’ai observée toute ma vie avec ceux qui se sont dits mes amis, et qui m’ont assez fréquemment prouvé qu’ils n’étoient que les leurs »… Il donne d’abondants conseils à Sophie pour sa santé ; seules des craintes à ce sujet peuvent l’abattre et le rendre « une vraie femmelette ». Il ne croit pas que la mère de Sophie s’attende à ce qu’elle change ses opinions relatives à Pontarlier, parce qu’elle « a enfin appris par une triste expérience, que quand l’amour est passion, rien n’est si constant qu’une femme. Je crois bien que son cœur tout seul ne lui auroit pas fait deviner cela ; car elle n’a jamais eû de passion que pour sa chère réputation. L’amour n’a été pour elle qu’un goût ; et il est certain qu’avec cette manière d’être, une femme est le plus léger de tous les êtres, car alors elle n’a plus ce trouble, et ces combats, et cette douce honte, et ces délicieux souvenirs qui gravent si bien le sentiment dans l’âme. Il ne lui reste que les sens et de l’imagination ; des sens gouvernés par des caprices ; une imagination qui s’use par son ardeur même, et qui en un instant s’enflamme et s’éteint, de sorte qu’il est assez facile avec un peu de manège d’arranger tout cela avec les convenances. Ah ! mon amie ! Le désir général de réussir et de plaire est un sentiment très frivole, très vain, et nullement tendre et profond. Il dessèche l’âme, il étouffe la sensibilité. L’amour propre toujours calculant, toujours mesurant, vit de tout, dit M. Thomas, s’irrite de tout et se nourrit même de ce qui l’irrite. Voilà pourquoi, ma chère Sophie, il absorbe tout, et détruit tout. Il est absolument incompatible, quoi qu’en ait dit ce La Rochefoucault qui ne croit à aucune vertu, avec ce sentiment qui demande tant d’énergie dans l’ame et de profondeur et de ténacité dans le caractère, avec cette union sainte qui par une espèce de culte consacre tout entier une amante à son amant, qui transforme deux volontés en une, et fait vivre deux êtres de la même ame et de la même vie. Ô amie, ô épouse, ô cher tout telle est notre passion, née tout à coup, nourrie dans le silence, irritée par le combat, devenue plus ardente par la persécution. […] Nous savons ce que nous sommes, ce que nous nous sommes, ce que nous nous devons. – Vas, crois moi – ils ne nous vaincront pas »… Il termine en citant des paroles de Renaud à Armide, et les traduit : « Tourne, ah ! tourne sur moi ces regards qui portent dans mon ame l’ivresse du bonheur ! »… Etc. 
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022 Denis DIDEROT (1713-1784) écrivain
L.A.S., [16 août 1781 à Alexandre-Marie de Dompierre d’Hornoy (1742-1828, conseiller au Parlement de Paris et petit-neveu de Voltaire)] ; 2 pages petit in‑4.Belle lettre au sujet d’un procès intenté à son épicier, où il a été assigné à comparaitre.Il s’excuse de l’importuner, « mais il est dans cette misérable affaire une circonstance singulière […]. Nous avons a faire à des gens cauteleux » : la plainte qu’ils ont déposée, et les dépositions des témoins qu’ils ont assignés « ne se trouvent point dans les sacs du greffier au petit criminel. Seroit-ce pour persuader aux juges que nous sommes les agresseurs. […] Seroit-ce que les dépositions ne leur étant pas favorables, ils jugent à propos de les soustraire à la connoissance du Tribunal. Seroit-ce qu’ils en attendent un plus grand effet, en ne produisant cette pièce que la veille du Jugement. Seroit-ce qu’ils se réservent pour revenir contre la sentence, au cas qu’ils subissent une condamnation : ne conviendroit-il pas au Juge d’ordonner avant tout l’apport de cette plainte. Je n’ai dans cette affaire d’autre intérêt que l’amour de la Justice. Je serois vraiment affligé s’il arrivoit que le faible soit opprimé. Je n’ai jamais eu de procès et j’espère n’en avoir jamais ; mais l’ignorance des affaires est un des grands inconvénients de l’état de l’homme de lettres, et je suis sur qu’une assignation auroit aussi facilement dérangé la tête de Voltaire que la mienne »… Il a daté, au bas de la lettre : « Ce jeudi, je ne scais quel jour du mois d’aout, le lendemain de la Vierge 1781 »… 
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023 Domenico CIMAROSA (1749-1801) compositeur italien
Manuscrit musical autographe, ; 12 pages oblong in‑4 (22 x 31 cm) sur 3 bifeuillets, rel. en un volume dos parchemin, pièce de titre sur le plat sup.Rare fragment d’un opéra non identifié, peut-être inédit. Le manuscrit, à l’encre brune sur papier vergé oblong à 12 portées, présente quelques ratures et corrections ; les bifeuillets sont numérotés 2, 2 et 3. Il s’agit d’un quatuor vocal, chant et paroles, accompagné par 6 parties instrumentales et la basse. Le premier feuillet (ou bifeuillet) manque, mais ce manuscrit est bien complet de sa fin, avec la conclusion instrumentale.Les personnages chantent : « Sbaglio sara stato!... Ancor son’io confuso!...   di troppa meraviglia e il caso in verità d’un male maritato d’una sposina all’uso, d’un protettor burlato, d’un cicisbeo confuso, la bella meraviglia chi vuol veder è quà »… (C’était une erreur !... je suis encore confus !... Trop étonnant est le cas en vérité d’un mal marié, d’une jeune épouse usagée, d’un protecteur moqué, d’un sigisbée confus, la belle merveille à voir ici)…Un protagoniste commente : « Che spasso che diletto ! Che gusto è questo quà ! » (Quel plaisir ! quel délice !...) ; et un autre : « Mi star d’onor soldato, d’offender non son uso » (Sur mon honneur, je n’ai pas l’habitude d’offenser)…  
3 000
024 Alexandre BRONGNIART (1770-1847) minéralogiste et géologue, directeur de la Manufacture de Sèvres Image
024 Alexandre BRONGNIART (1770-1847) minéralogiste et géologue, directeur de la Manufacture de Sèvres
Manuscrits et notes autographes avec dessins aquarellés, sous une chemise titrée : Signes minéralogiques et géognostiques, 1795-1831 ; environ 190 pages formats divers (la plupart in-4), classées sous 7 chemises autographes.IMPORTANT DOSSIER SUR LES SIGNES MINÉRALOGIQUES ET LA CARTOGRAPHIE GÉOLOGIQUE.Signes minéralogiques. Manuscrit du Mémoire sur des signes minéralogiques propres à être placés sur des cartes, lu à la Société philomatique en pluviôse III (février 1795). Le dossier comprend les manuscrits, avec de nombreuses ratures et corrections, des 3 mémoires sur ce même sujet, le 2e en partie autographe et abondamment corrigé, et le 3e portant l’indication : « travail de la commission lu à la conférence des Mines ». Citons le début du 1er mémoire : « Des signes minéralogiques qui sont destinés à être placés sur des cartes de géographie doivent etres simples, faciles à faire à la main et assez distincts quoique petits pour qu’ils ne puissent pas etres confondus entreux quand même ils seroient mal faits » ; une addition marginale précise pourquoi il a choisi le terme de signe au lieu de caractère…Enluminure géognostique des cartes, février 1815. « Explication des signes employés pour marquer sur les cartes tous les minéraux qui peuvent constituer des terreins », en 2 dossiers de tableaux de signes, classés par couleur selon les minéraux représentés, avec Dessins Aquarellés.Désignation géognostique et minéralogique pour les cartes géographiques, travail de 1821, avec de nouveaux tableaux aquarellés.Grand TABLEAU des Signes minéralogiques « par Alex. Brongniart », classe par classe et ordre par ordre : terres (siliceuses, argilleuses et magnésiennes), sels (à base terreuse, à base d’alkalis, acides), combustibles (terreux, métallique), produits des volcans (produits volcaniques, produits volcanisés)…3 dossiers de notes diverses et tableaux sur les Signes minéralogiques, contenant des notes pour les séances d’une commission en 1800, divers tableaux de signes, et de nouvelles notes de 1831.On joint un exemplaire annoté de son Tableau de la distribution méthodique des espèces minérales (Paris, F.G. Levrault, 1828 ; in-8 de 12 p.), avec des signes ajoutés à la mine de plomb. 
8 000
025 Sophie ARNOULD (1744-1803) cantatrice, interprète de Gluck dont elle créa l’Eurydice et Iphigénie en Aulide Image
025 Sophie ARNOULD (1744-1803) cantatrice, interprète de Gluck dont elle créa l’Eurydice et Iphigénie en Aulide
L.A., le Paraclet-Sophie à Luzarches 23 vendémiaire IX (15 octobre 1800), à l’architecte François-Joseph Bélanger (1744-1818, il construisit Bagatelle pour le comte d’Artois) ; 8 pages in-4.Superbe et longue lettre, pleine d’espièglerie et d’amitié pour son ancien amant, et d’admiration pour le Premier Consul.Très touchée par sa lettre, elle songe à leur bon temps, et à la préférence que Bélanger a toujours eue dans son cœur, « car enfin à vingt ans à peine ! on peut bien se tromper et prendre son cul ! pour ses chausses !.. Non ! C’est que la nature, libérale envers vous de tous les dons qui donnent les plaisirs ; vous a doués aussy, d’un cœur bon, et sensible […] Eh ! je sens que je vous aime plus tendrement qu’on n’eu jamais aimés… Que votre femme [la danseuse Mlle Dervieux] ne savise pas de se méttre martelle en tête, sur ma déclaration, car si elle raisonnoit je luy riverrois son cloud »… Elle plaisante à ce propos, évoquant la « calotte de plomb sur la tête qui m’avertit bien, que, Printems, Plaisirs, Amour, tout est passés pour moy », et promettant de gratifier son « bel ange » d’un petit bouquet de ses cheveux pour le nouvel an, « l’an 9 de la République, autrement dit 1800 de l’ere de nos amours » : ils sont blancs, mêlés de noir, si bien qu’elle aurait pu représenter au Temple de Mars, dernièrement, la cavale du grand Turenne… Elle cite des vers sur l’âge, l’amour et l’amitié, car « Voila ma façon de penser, comme disait a tous propos, le preux ml de Biron », et elle entretient affectueusement et plaisamment Bélanger de sa « jeune compagne » à qui elle recommande les eaux de Barèges, en se moquant de sa propre solitude : « et pourtant il me faut, comme le docteur Panglos : me trouver dans le meilleur des mondes possibles : … violée… autant qu’on peut l’estre… mangée ! par les bulgards ; viélle ! comme ses rèves ; pauvre ! comme Job »… Mais un peu de pain sec et de bons amis, voilà le bonheur : « daillieurs, quoi que j’aie étée dans une jolie passe, dans le courant de ma vie jay toujours bien vue, bien pensée ! bien réfléschie qu’il n’y avoit jamais de vie heureuse, quil y avoit seulement, des jours heureux dans cette vie eh ! même en y pensant proffondement ! je crierois en vérité ! qu’on y a, que des nuits heureuses a cause de ce que tu sçais bien »…Puis elle aborde les affaires publiques, et l’espoir enfin d’une paix qu’on ne devra qu’à « Bouonnaparté » : « c’est mon héros : tout ce qu’il a fait dans la Révolution, est marquée au cachêt du grand homme : même quand il a agit sous les ordres, du Dirécteur Barras… Encorre que l’on trouve cétte tache en sa vie… Mais ! Examinons de près ! Quel génie, quel personnage extraordinaire ! Qui ! qui dans la France, eu fait ce qu’il a fait pour les françois, qui, quél homme ; avec une taille, peu avantageuse &c ! d’un extérieur peu imposant ! Qui auroit sceu comme lui, donner tout a coup a la France l’impulsion quelle en n’a reçue ! Eh ! qui ! Le plus puissant monarque ; Louis quatorze si vous voulez ! avec son beau phisique, sa toute puissançe & la plus habille politique ! auroient vainement tentés de produires… Qu’elle imagination vive : quelle éloquençe forte, persuasive, plenne de feu ma foy ! C’est un homme, ou je ne m’y connois pas »… En Allemagne, on le hait comme usurpateur, et en Angleterre, comme vainqueur, mais « un françois haïr Bouonnaparté : après le gouvernement atroçe dont il nous a délivrés, ainsy que de tous les malheurs ensemble, on dit ! mais ! ce n’est plus une Republique !.. On dit aussy, Le Roy Bouonnaparte… &c &c. Ah ! que m’importe a moy ! le nom… quand il m’est bien demontrée, que la perfection d’une République est une chimère & que la perféction d’un déspotisme est une horreur… que pour maintenir ces glorieuses chimères, il n’est point d’état republicain qui n’ait eu recours a des moyens forcés, violents, surnaturels ! une multitudes de loix inéxécutables, ruineuses, et meurtrières : des Republicains qui sonts libres ! et qui cherchent toujours la liberté ; qui veulent estres tranquils ! et ! qui ne le sonts jamais ! ou il n’y a d’innoncents, que les victimes ! ou l’on n’a trouvés que des assassins, des bourreaux dans chacuns de ses representans : nous nous sommes mal embarqués ! Nous avons cherchés une contrée imaginaires ! Voila assez longtems que notre vaisseau est battu de la tempêstte, que nous allons decueils en ecueils… Contentons nous, de n’estre pas brisés sur un rochér… Ressouvenons nous des Romains – le sistème republicain fut sa fable aussy : il fuyoit le despotisme & le despotisme fut sa fin… Tel est la mauvaise constitution du gouvernement républicain »… Elle renvoie à l’histoire de toutes les révolutions et à celles d’Athènes et de Rome en particulier : il a bien fallu que Rome se soumît à des décemvirs, des dictateurs et des censeurs souverains. « Eh bien, nous !... Trois consuls onts étés només par le peuple qui n’en reconnoit qu’un, tant le gouvernement d’un seul est dicté par trente cinq millions d’hommes ! »… Elle demande ce que leurs amis disent de tout cela : d’aucuns ne sont pas bêtes, tels Pierrot, et le boiteux, et elle le prie de les saluer de sa part : Sainte-Foy, Bougainville, « je dirois presque, l’aimable Tayllerant »…Lettre publiée par Edmond et Jules de Goncourt, Sophie Arnould d’après sa correspondance et ses Mémoires inédits, 1885, chap. LVI. – Ancienne collection Auguste Chéramy (23 avril 1913, n° 4). 
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026 Donatien-Alphonse-François, marquis de SADE (1740-1814) écrivain Image
026 Donatien-Alphonse-François, marquis de SADE (1740-1814) écrivain
L.A.S., [Charenton 20 septembre 1810], à François Ripert, propriétaire à Mazan, à Carpentras ; 2 pages et demie in-4, adresse (petite déchirure par bris de cachet sans toucher le texte).À propos de la vente de son mas de Cabannes, près d’Arles.Il refuse les propositions de Ripert : « mon dernier mot sur cet objet est soixante et dix mille francs oxtensibles et trente mille francs de pot de vin. Je ne la lacherai pas a un sol de moins vous voyes que je suis daccord sur la somme ostensible, et quil n’y a de difficulté que sur celle du pot de vin, mais parfaitement informé de la valeur de cette terre, et plus encore du tres grand parti qu’on en peut tirer en la soignant il est tres sur qu’elle ne sortira pas de mes mains a moins de cent mille francs en tout ; vous voyés que je rabaisse mes pretentions de trente mille francs », mais c’est tout ce qu’il peut faire… « Mon fils Armand instruit de la vente de Mazan est venu me voir a ce sujet, il veut surencherir de 4000f et cherche une caution pour cela dans le pais. Parés a cet inconvenient dont je vous fais part, afin d’en paraliser les effets. Il se doute d’un pot de vin, je l’ai assuré quil se trompait n’en convenes jamais je vous supplie, cest tres essentiel ; il se plaint de votre silence sur tout cela, et ne veut pas dire, qui l’a instruit. Il vous est tres aisé de l’empecher d’avoir une caution, et de prevenir la surenchere, en en faisant faire une par ce qu’on appelle un homme de paille »… Il s’en rapporte à lui en recommandant de cacher sa correspondance, et de ne jamais parler de Mme Quesnet [maîtresse du marquis] : « quand je vous parlerai du petit cadeau, vous m’entendrés, de plus grandes explications sur cela sont inutiles »… Il enverra sa procuration. 
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