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020 André CHÉNIER (1762-guillotiné 1794) poète
Poème autographe, Epître à Monsieur de Voltaire par un jeune homme de 13 ans, suivi d’une L.A.S. « De Chenier De Courmenay », à Voltaire, [vers février 1778] ; 3 pages in-4.
Document très exceptionnel du tout jeune poète, consistant en une épître de 58 vers, plus un sizain d’hommage, suivis d’une lettre à Voltaire. [On notera que le poète s’est rajeuni en se donnant comme « un jeune homme de 13 ans », puisque ces vers célébrant le prochain retour à Paris de Voltaire ont dû être composés à la fin de 1777 ou au début de 1778, c’est-à-dire, à l’âge de 15 ans.]
« Quoy verrai-je en effet, verrai-je dans ces lieux,
Celui qui fit la Henriade,
Ce grand homme de qui le pinceau vigoureux
Egala l’antique Illiade :
Verrai-je cet auteur de qui mille rivaux
N’ont fait qu’illustrer la carriere,
Cet auteur, qui du goût aidant tous les travaux
Lui sçavoit ouvrir la barriere ;
Ce celebre Voltaire aimé par la valeur,
Qui la chantait avec tant de genie,
Des Calas opprimés ce zelé defenseur,
Qui voulut leur sauver la vie ;
Des beaux arts gemissant ce digne Protecteur,
Dont l’éclat sçut vaincre l’Envie ;
Ce Poëte fecond toujours sur du succès,
Et fait à donner des merveilles,
Qui conserva le sang du Sophocle français,
Et le retraça dans ses veilles.
Je le verrai lui-même, et je n’en doute pas :
Je verrai cet homme admirable »...
L’auteur se présente brièvement dans un hommage séparé de l’épître par des ornements calligraphiques :
« Tu seras étonné si tu sais qu’à treize ans
Et dans la faiblesse de l’age
Imprudent que je suis, je t’offre mon encens
Dans ce méchant petit ouvrage »...
Dans sa lettre, Chénier rappelle au souvenir de Voltaire qu’un « certain Mr de Courmenay » lui écrivit en septembre 1777 pour l’exhorter à « venir triompher à Paris en dépit des ignorants, des Bigots, et des envieux »... La nouvelle de son arrivée lui fit ensuite « un plaisir incroyable », et lui dicta ces vers « que vous trouverez sans doute assez mauvais, mais qui n’en sont pas moins sinceres »... Cependant, il ne conçut pas lui-même le dessin d’écrire à Voltaire : « sentant combien j’avais besoin d’indulgence, je me taisais, et je vous admirai tout bas ; mais [...] Made de Chenier, ma mere, que je ne pourrais trop louer, si elle ne l’etait pas, Mr de Lusignan, mon grand oncle, qui m’a assuré avoir fait ses études avec vous, et plusieurs autres personnes qui ont la bonté de s’intêresser au très-médiocre talent que je fais paraître pour la poësie m’en ont pressé plusieurs fois, et je me suis haté de faire pour vous cette Epître ; si elle vous déchire les oreilles, comme un bon chrétien vous me le pardonnerez »... Il demande néanmoins une gratification particulière :
« Si vous vouliez de votre main
M’écrire un mot, un seul mot, ah ! peut être
D’un tel honneur je serai vain
Mais aussi comment ne pas l’être ? »...
Et de l’assurer : « La lettre que vous aurez la bonté de m’écrire sera pour moy une Relique prétieuse, et me rappellera tant que je vivray le plus grand homme qu’ait eu le Dixhuitiême Siecle »...
Cette épître est restée inconnue de Gérard Walter et ne figure pas dans son édition des Œuvres complètes de Chénier dans la Bibliothèque de la Pléiade.
Ancienne collection Robert Gérard. Exposition Voltaire, Bibliothèque Nationale, 1979, n° 640.
20 000 €
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