Catalogue 2023

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  • 042 Charles-Augustin SAINTE-BEUVE (1804-1869) écrivain et critique

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  • 55 L.A.S., 1854-1857, à Victorine Marsaudon, à son mari Clair Marsaudon, à leur fille adoptive Marguerite Elias devenue Mme Edmond Guinon ; 89 pages in-8 ou in-12, montées sur onglets et interfoliées, rel. maroquin grenat, multiples filets dorés en encadrement, dos à nerfs, gardes de moire citron, tranches dorées (A. & R. Maylander).

    Belle correspondance intime et amicale, où il confie à ses amis du Limousin ses activités et ses déceptions littéraires, dans le journalisme et au Collège de France.

    Sainte-Beuve a rendu un bel hommage à son amie Mme Marsaudon dans son article sur Madame Bovary de Flaubert (4 mai 1857) : « J’ai connu, au fond d’une province du centre de la France, une femme jeune encore, supérieure d’intelligence, ardente de cœur, ennuyée ; mariée sans être mère, n’ayant pas un enfant à aimer, que fit-elle pour occuper le trop-plein de son esprit et de son âme ? Elle en adopta autour d’elle. Elle s’était mise à être une bienfaitrice active, une civilisatrice dans la contrée un peu sauvage où le sort l’avait fixée. Elle apprenait à lire et enseignait la culture morale aux enfants des villageois »...

    Victorine Revol (1814-1855), institutrice dans une famille limousine, épousa en 1842 Clair Marsaudon, agriculteur et propriétaire du domaine de « Chez Bichoux » à Mézières (Haute-Vienne) ; elle écrivit des articles sur les paysans dans divers journaux et revues, et s’occupa d’éducation ; ils adoptèrent, peu après leur mariage, Marguerite Elias, orpheline d’une vingtaine d’années, qui épousa en 1856 un pharmacien de Châteauroux, Edmond Guinon. Nous ne pouvons citer que quelques fragments de cette importante correspondance.

      1854. 23 juillet. Il vit dans un état de retraite peu propice à trouver une situation pour Mlle Marguerite ; du reste il met en garde contre « les ennuis et les assujettissemens de ce grand monde », dont il connaît « le poids des chaînes dorées »... 23 août. « Ma vie ici continue d’être bien occupée et bien isolée ; je m’aperçois que livré à moi-même je sais peu me diriger et me conduire, hormis de ma vie littéraire »... On le presse d’accepter une chaire de poésie latine au Collège de France, « à coup sûr une chaîne et un ennui, mais qui m’ôterait les soucis de l’avenir et m’assurerait une modeste aisance »... 31 août. Il confie les inconvénients qu’il entrevoit, d’accepter une chaire qui ne ferait que varier et déplacer son application d’esprit. « Je l’ai trop éprouvé : la vie n’est qu’une suite de jougs. Poète à mes débuts, que n’en ai-je pas souffert ? J’y ai perdu, non mon feu, mais mes ailes »... 24 septembre. « Que le cœur n’a-t-il des ailes ! Je suis ici toujours retenu esclave par un travail hebdomadaire incessant : un sujet fini, un autre me prend et c’est à la lettre une meule que je tourne, et je prévois qu’il me faudra engager ma liberté pour un an encore »... 26 novembre. Il annonce l’envoi de Causeries du lundi, et croit « qu’aujourd’hui même le Collège de France a dû me présenter en 1ère ligne sur sa liste. Dans une quinzaine ce sera aussi une affaire finie, c’est-à-dire pour moi une sorte de carrière nouvelle à commencer »... 25 décembre. Il va cesser de collaborer au Moniteur afin de se consacrer à son cours « qui dans les commencements sera pour moi une grande charge : l’agrément peut-être viendra après. Ma vie intérieure est de plus en plus retirée et morne, sauf le travail. Mon esprit et tout mon être prennent un pli de plus en plus sérieux et sévère, comme lorsqu’on sent que les choses qui plaisent sont dans le passé ou dans un lointain qu’on n’atteindra plus »...

    1855. 17 janvier. Il lit Virgile : « je tâche de rassembler tout ce que je puis de notions précises et de comparaisons pour donner aliment à l’admiration qu’il ne suffit pas d’avoir et d’exprimer, mais il faut motiver et communiquer : l’idée de paraître de ma personne devant le public et d’être attaché pour toujours à ce pilier fréquenté ne m’est pas du tout agréable, mais il est des nécessités dites honorables auxquelles il faut se faire, et l’estime sociale, en vieillissant, est à ce prix »... 5 mars. Il confie l’aridité de sa vie de lettré, la solitude de celui qui a perdu par la mort ou l’éloignement ceux sur qui il comptait, etc. 17 mars. Lors de son discours inaugural au Collège de France, il a dominé l’auditoire, mais à la seconde leçon « les ennemis ont repris l’avantage ; (ces ennemis le sont en partie à cause de moi, en partie à cause du gouvernement qui m’a nommé). Ils avaient occupé divers points de la salle de très bonne heure et étaient en nombre plus grand que la dernière fois ; distribués çà et là avec art »... Il a dû se rabattre à lire la leçon pour ne pas être déconcerté par les interruptions calculées qui ont continué jusqu’à la fin. « Cependant, il faut aviser maintenant, car il n’y a pas moyen de continuer dans ces termes et dans ces conditions. Le ministre, les professeurs du Collège, moi-même, tout le monde s’en occupe, mais on n’a pas encore pris de parti »... Ainsi, « là où je ne cherchais que l’étude, un repos honorable, et une médiocrité de fortune stable et paisible, je trouve la lutte, la malveillance et des épines »... 25 mars. Il revient sur l’opposition de ses ennemis. « L’injure essuyée en face a une certaine saveur que je suis incapable de dévorer et de dissimulé. J’ai éclaté et laissé éclater mon indignation, mon dégoût. En pareil cas il est d’usage, me dit-on, de s’en tirer avec plus de prudence, de patience, de gaieté même si l’on peut dire. J’ai dit enfin des vérités à ces êtres-là. [...] Mais puis-je accepter de venir parler de Virgile, appuyé par une force qu’il aurait fallu ménager et disposer adroitement dès le premier jour »... 3 avril. Il amplifie ses critiques des faquins et des drôles, et explique l’embarras du gouvernement. Désormais il lira ses leçons, « et livrer à l’autorité [...] le soin de faire respecter, comme elle le pourra, l’homme de son choix »... 21 avril. Il expose sa détermination à rester ferme, et à obtenir le silence au Collège, malgré l’injustice criante dont il est victime : « Je voulais faire de ce cours un jardin de poésie et de grâce : le deuil en est fait, et il m’est devenu égal que le terrain soit ravagé. Je me contenterais de m’y maintenir comme sur un champ de bataille »... 30 mai. Sa vie reste accrochée, car l’avenir du cours est incertain. Son instinct le porte à reprendre la « vie de plume et d’écrivain, mais la difficulté est de la bien placer et de la rasseoir avec [...] solidité et honorablement : car les journaux sont tous plus ou moins des tripots »... 12 août. Il donne son opinion sur des œuvres de Mme de MOTTEVILLE, Jules SIMON, SENANCOUR...

    1856. 20 janvier. Il a passé le jour de l’An enfermé et seul, au travail. « Les douceurs de l’amitié ou de la famille nous regardent peu, pauvres gens de lettres affairés à la besogne, et j’ai pris sur moi depuis longtemps de me dispenser le plus possible des corvées sociales »... Ailleurs, il est question de Mme de Vaquez, du Dr Andral et du chirurgien Velpeau, de diagnostics portés sur la santé de Mme Marsaudon, des Nouvelles Méditations de LAMARTINE, du mariage de Mlle Marguerite, etc.

     

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