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105 Jacques AUDIBERTI (1899-1965) écrivain

36 L.A.S., 3 L.S. et un dessin aquarellé original signé, 1951-1955, à Valentine Tessier ; 69 pages formats divers, 2 adresses.
Très belle correspondance littéraire et théâtrale avec la merveilleuse actrice Valentine Tessier (1892-1981), qui créa le rôle-titre dans son adaptation de la pièce d’Eduardo de Filippo, Filumena Marturano sous le titre Madame Filoumé [Théâtre de la Renaissance, 25 octobre 1952]. Il est aussi question de La Logeuse, qui fut jouée finalement, en 1960, au Théâtre de l’Œuvre, par Lila Kédrova.
Nice [juillet-août 1951]. Il voudrait savoir si la traduction demandée par l’actrice servirait « comme instrument de travail pour la scène uniquement », ou si elle est destinée à être publiée… – « Je connais bien de réputation Eduardo Filippo. D’une façon générale, j’ai une très vive prédilection pour l’Italie en sa présente vitalité »… Lozère (Seine-et-Oise) 15 août. Audiberti souligne les difficultés de traduction de pièces écrites en dialecte napolitain, « langage savoureux et familier en lui-même », source d’effets comiques dans Filumena Marturano... Texte et mœurs napolitains étant étroitement imbriqués, il y aurait risque que les allusions et les tournures tombent à plat… Distinction entre ce dialecte, l’argot, le patois… – La pièce est excellente ; reste le problème de trouver en français « des gags linguistiques perpétuels qui proviennent de la confrontation du dialecte et de la langue nationale correcte. Mais quelle drôlerie ! Quelle invention ! »… – Réflexions sur la traduction de cette pièce « topographiquement très située »… 2 octobre. Ayant traduit deux actes de Filumena Marturano, il pense qu’il faudra que l’actrice prononce en scène quelques mots en napolitain… La pièce l’attache de plus en plus, et il souhaite la rencontrer, pour qu’ils prennent « un premier contact pour ce qui est de la forme de mon travail et de ce que vous en pensez en vue de la scène »… Paris 3 novembre. « Je me réjouis à la pensée de voir bientôt Philomène vivre par vos soins et avec votre ardeur. J’espère que nous nous rencontrerons à brève échéance »… [22 novembre]. « Entendu, chère Filumena, je viens vendredi […] Je suis content que le texte vous plaise »…
Rome [3 juillet 1952]. Lettre enthousiaste sur sa semaine à Rome, ses entretiens avec De Filippo et leurs conversations sur « Philomène » qui permettent d’éclaircir divers points concernant le bordel dans la pièce. Il a vu le film tiré de la pièce et va partir à Naples avec l’auteur … [Nice juillet]. Échos de ses discussions avec De Filippo, et impressions de Naples… Expression de la joie qu’il aura à surmonter les difficultés, et de « l’orgueil » d’avoir Valentine comme interprète, « car je suis un peu, à la fin, l’auteur de la pièce, ce que je finirais pour de bon par croire, surtout après mes longues embrassades romaines avec De Filippo »… Boulange (Moselle) [août]. Il lui adresse le deuxième acte avec l’espoir qu’elle sera moins déçue qu’à la lecture du premier, qu’il va revoir. Il faudra un grand metteur en scène « pour faire passer ce ton à la fois douloureux et comique »… – Recommandation « d’une personne du théâtre qui, selon moi, présente tous les traits et tous les signes, rusticité, intelligence, allégresse, simplicité, méridionalisme, qui sont ceux de Lucia. Il s’agit de Jeannine Camp, que vous avez connue quand elle était petite fille et qu’elle jouait, à vos côtés, dans Intermezzo »… [Paris 27 octobre]. « En ce midi lundi,/ avant que de vous voir,/ je tiens à cœur beaucoup/ de vous faire savoir/ que vous êtes,/ parmi les grandes,/ la plus grande »… [Fin octobre]. Sur le grand succès remporté par l’actrice, et les raisons pour lesquelles il n’est pas resté le jour de la générale. Mystère : « Thierry Maulnier, dans Combat, a parlé de M. Paolo Teglio comme traducteur de Madame Filoumé ! Cela peut me porter un grand préjudice dans des tractations qui sont en cours avec le théâtre scandinave et finlandais »… [Suisse décembre] : « Vous êtes certainement, dans ma vie, un être à qui je voue une grande et profonde affection, pour votre chaleur humaine et votre force vivante. […] vous êtes, sans doute, la plus grande voix française au théâtre, au-delà du théâtre habituel […]. Ce que vous faites dans Filoumé est extraordinaire, comme variété de timbre ; vous avez tout un orchestre dans la voix. Je crois, je suis sûr que nous devrions aller plus loin ensemble, ou, plutôt, maintenir cette lancée. Il vous faut des pièces que je ferai pour vous »…
[1er janvier 1953]. Carte de vœux aquarellée représentant un personnage féminin fantastique tendant les bras à un petit personnage masculin : « A Valentine Tessier tous mes vœux pour 1953 »… Neuilly. Félicitations sur son nouveau rôle. « J’ai hâte que vous soyez au centre d’une action dramatique à votre taille. J’ai malheureusement écrit trop de romans et pas assez de théâtre. […] Y a-t-il un thème, un personnage, un souvenir qui vous plaise, vous intéresse, vous tienne à cœur ? Je voudrais essayer de vous servir »… Paris 16 septembre. Présentation de la pièce à laquelle il songe pour elle : La Logeuse, conséquences de ses tribulations locatives, nombreuses et pittoresques. « Cette logeuse, c’est Circé. La femme, ni jeune ni vieille, qui, dans sa caverne, attire les hommes afin de les changer en pourceaux. Mais je m’empresse de vous dire qu’il n’y a aucune espèce de trace ou d’ébauche de langage philosophique, poétique ou mythologique dans mon texte. Je crois que toutes les légendes et tous les mythes peuvent être aisément transposés dans le langage usuel et quotidien »… Il résume la situation de la logeuse, sa fille un peu folle, son mari « séquestré », et le locataire qui va démasquer cette « empoisonneuse morale »… À présent, le premier acte est réussi, les deux suivants, pas du tout… – « J’ai annoncé à la télévision que nous jouerions, c’est-à-dire que vous joueriez La Logeuse à la rentrée »… Il lui promet l’acte II pour bientôt… – Il a perdu sa pièce et même le plan général ; il s’est remis à ses brouillons. Marie-Thérèse lui dit qu’il doit tout écrire en pensant à Valentine, « tout écrire en fonction de votre personne et de votre présence […]. Vous êtes une actrice extraordinaire, comme il n’y en a pas, au-delà des écoles et des ruses. Vous êtes la farce, la musique, la générosité. Nous devons trouver notre alliance définitive dans une œuvre. Il faut que je réécrive en écoutant votre voix, en regardant votre pas souverain »…
25 février 1955. Il ne faut pas se désoler pour La Logeuse, qui ne manquera pas d’être jouée. « Quand ? Je ne sais pas. J’aurais aimé que ce fût vous qui la fassiez vivre, mais comme vous avez pris, tout d’un coup, l’habitude de me parler de cette pièce que pour me persuader qu’elle ne vaut rien, je dois me résigner à la pensée que je n’ai plus à espérer voir nos deux noms unis sur l’affiche dans un même combat »… Cependant elle aurait du mal à faire admettre qu’il écrit des pièces « idiotes ou susceptibles de rabaisser l’acteur qui les interpréterait », et il regrette qu’elle soit passée à côté d’une route qui lui semblait destinée. « Mais il ne faut pas nous attrister. Vous êtes une trop extraordinaire artiste, et nous vous aimons trop, sans compter tout ce que je vous dois, pour que l’ombre d’une idée désagréable m’effleure quand je vous évoque »…
Ailleurs, il est question de la Société des Auteurs et Compositeurs dramatiques, du dépôt des pièces et des droits d’auteur, des Naturels du Bordelais, de la Légion d’honneur, de ses filles… Etc.
3 500 €
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