Catalogue 2023

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  • 101 Louis-Ferdinand CÉLINE (1894-1961) romancier

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  • Manuscrit autographe pour Féerie pour une autre fois I ; 50 pages in-fol., dont 28 au dos de pages autographes réutilisées, en feuilles.

    Important fragment de Féerie pour autre fois I, version de travail de ce « roman » publié en 1952. Ce manuscrit est paginé de 110 à 149 ; à l’encre bleu nuit sur des feuillets de papier vergé ivoire, il présente d’abondantes ratures et corrections, et de nombreuses variantes avec le texte définitif ; il est écrit, le plus souvent, au dos de pages réutilisées d’un brouillon antérieur au stylo bille bleu, le plus souvent barré d’un trait de crayon rouge (sur Marc Empième, le pillage de son appartement, etc., paginées entre 49 et 110 ou non paginées, deux étant des copies carbone, plus quelques notes). Il correspond aux pages 39 à 50 du tome IV des Romans dans la Bibliothèque de la Pléiade.

    Le récit commence dans l’infirmerie de la prison de Copenhague, immédiatement après l’épisode du lavement. « Vous me verriez retourner au gnouf ! cet entrain ! l’espoir ! [je gode je crépite ! et tout jeunot par le lavement ! les boyaux dégagés biffé] revitaminisé à bloc ! »… (p. 110). L’apostrophe : « Et à Dachau cabotin ? » (111) sera changé dans l’édition par « à Wuppertal ». Un passage sur la perte des dents est biffé (113). La phrase « Nenni que j’aspouine ! » (114) est trouvée au bout de six ratures (asquine, arcasse, asquine, aspine, ascasse…). Céline refuse de préciser le lieu de sa détention pour éviter les journalistes : « Je suis haut au nord ça suffit ! plus haut encore ! ni ville ! ni lieu ! Je vous indiquerai l’aire, azimut, le moindre bourg ou village, un bout [de] bosquet. Ça y est voilà le Cloporte en route, reporter, porteur, rapporteur, zozoteur… Frit suis ! »… (114-115)… Discours du journaliste (115-119) : « Ah mon cher maître la France est folle ! Ah l’infernal Quiproquo… le génie irradiant de l’Europe ! le Bikikini du Roman ! Ah si vous saviez les Juifs [changé en « Berbères » dans le livre] si on les bomine cette année ! »… La fin de ce monologue, ici très raturée, sera modifiée et développée dans le livre : « Mais Mme Abetz est dans le coup ! Monsieur [Layer] Mayer et Mme [Blon / Fleur] Virge ! et Monsieur Tonton des Abesses ! et l’[archiprêtre / Archidiaconet] Archichanoine [de Bibracte / Abibracte / Elbibracte] d’Albibracte ! mais c’était que du cauchemar voyons ! Je vous enverrai des vitamines ! Ah bah 3 pillules par jour ! Gamin ! baste Féerie ! vous verrez ! Reprenez-vous ! Jouissez ! vive tout ! l’instantané vous verrez ! [double page] l’autre coup je reviens je vous ferai le son ! Je vous embrasse ! Je vous adule maître maître ! » Céline se retrouve seul dans sa cellule (120-121) ; il interpelle le Président (122-123) : « Monsieur le Président ! […] J’ai parlé moi à Laval je l’ai soigné ! Je sais parler aux Présidents tous les Présidents ! Ma mère est morte de chagrin toute seule sur un banc ! »… ; il évoque sa mère et son enfance (123-124) : « Ma mère tenait son local rue Thérèse 14 […] Je suis l’enfant du Passage Choiseul pour l’école et l’éducation, de Puteaux par Madame Jouhaux ma nourrice »… Le saccage de son appartement, les tueries, les avions (125). « J’ai sauvé [78 familles] 220 personnes ! Elles glapiraient plus l’heure actuelle. La reconnaissance existe pas la délicatesse non plus »… (126). « Je suis parti en pure gentillesse, chevalerie, altruerie voisine, j’ai échangé personne pour moi, brûlé personne ! »… (127). Il reparle de sa mère (128-130), « enterrée Père-Lachaise allée 14 division 20… Je voudrais bien un laisser-passer juste le temps d’aller voir la dalle », son travail de dentelière, avec un passage biffé sur ses insomnies et sa « nature trop soucieuse »… À la fin, cri de colère contre ceux qui l’empêchent de se rendre sur la tombe de sa mère (131) : « Excrément ! qu’ils disent hors patrie ! Ils ont que des mots durs. Allez tendrir ces Rhadamtis / Rhadamantis, Cerbères, Deiblers réunis ! » (p. 132, autre liste avec l’Hydre de Lerne et Gorgone). Visite de l’ambassadeur [Guy Girard de Charbonnières] dit « l’Hortensia » (133-134, le texte sera atténué dans le livre) : « L’assesseur de l’Ambassade c’est quelqu’un un peu ! fol + que fol, ectoplasme ou crêpe ! nègre qu’il est ! et Louis XV ! qu’il dit… – Viens m’enculer bandit… ton lys ! la France et les colonies ! Dieu commande ! […] Ils l’ont envoyé exprès du Quai des Nerveux à Paris… persécuteur plénipotentiaire assesseur… Alors tu seras décapité ! Tous les vices n’est-ce pas ? Sadique. Sodomiste ! Il me dore pas la pilule. Il veut mon anus puis ma tête »… Sortie sur Brasillach (134-135) : « Vous me faites chier avec Brasillach il a pas eu le temps de s’enrhumer, ils l’ont fusillé à chaud »… Tirade contre les ministres (135, les noms réels seront changés dans le livre) : « Et André Marie bel plaisant, ce fut tout de même un autre martyr ? opérette ou pas ! et Monsieur Mayer des Vignettes ? »… Évocation des prisonniers historiques (136-138), Blanqui, Barbès Latude, Rip van Winkle, Capet, avec un développement rayé sur les millions de gens en cages : « c’est une vrai oisellerie et encore, de caquets à cage, devenus aristophanesques » ; et une révision des âges de l’humanité, comprenant ici « l’âge des tranchées, l’âge des cieux, des téléphones », pour arriver à « l’âge des cages »… Le régime de la prison (139-146), avec ses « dix minutes à l’air pur par jour, 23 h 50 en ténèbres ! », le vent et le gel en hiver, la brutalité des gardiens… « Je me plains de la pellagre, des bourdonnements, des vertiges et de mon névrome du bras droit, de la guerre 14 la guerre ! Qui c’est la faute la guerre 14 ! T’avais qu’à pas y aller sale con ! Voilà la raison qui raisonne !! Pas de tout de régime austère, soupirail, barreaux tabouret, ombre entendu ! mais morue des 2 fois par jour ! non j’élève pas de clameur spéciale ! Je me plains de mes invalidités à moi et ma carne trop frêle. 57 ans de vaches efforts pas des héroïsmes trop sublimes… Personne t’a prié sale coucou ! […] Grâce aux 10 minutes de cage que la cachexie n’a pas pris. […] La chiourme m’a sauvé la vie »… Le fragment se termine sur l’évocation de la Sibérie (146-149) ; à la fin du dernier feuillet, Céline a ajouté quatre lignes au stylo bille (et ajouté le n° 150 en haut à côté du 149), avec cette dernière phrase : « J’ai l’hôpital et je paye pas ! »

  • 15 000

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