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098 Henri MATISSE (1869-1954) peintre

L.A.S., Vence 2 juillet 1944, [à Henry de Montherlant] ; 5 pages in-8.
Longue lettre sur la fin de la guerre et sur ses gravures pour Pasiphaé. Chant de Minos. (Les Crétois) de Montherlant (publié par M. Fabiani, 1944).
« Je suis boulotté par une inquiétude sourde. Les dernières nouvelles que j’ai eu de mon fils par une lettre datée du 2 (il y a un mois) juin et reçue le 13, me donnait des espoirs très vagues [la Gestapo avait arrêté en avril la femme de Matisse et leur fille, Marguerite Duthuit, pour faits de résistance]. Que se passe-t-il ? Que me cache-t-on ? Je n’ai d’autres distractions que celles de mon travail, de ma curiosité à son sujet jamais épuisée, mais avec la fatigue de nuits pénibles sans sommeil, que puis-je faire. Vence est tranquille aussi relativement – de petits incidents comme avis de suppression de Radio-appareils rapporté après quelques jours et circulations de bobards les plus contradictoires venant des milieux informés. Grasse le serait moins. Ravitaillement suffisant. Le paysan est là. Je me doute bien que Paris doit être moins facile à tous points de vue. Malgré cela je voudrais bien y être, il me semble que je pourrais faire qq. chose pour éclaircir la situation des miens »… Il demande si Montherlant a reçu ses volumes, et il raconte ses déboires avec des feuilles sur lesquelles il devait faire un dessin avec dédicace à R.S. « Rien ne presse cependant car la vente en Suède, pour attendre le meilleur moment, ne peut se faire qu’à l’automne. Mais où serons-nous, comme vous dites. Je suis toujours un peu blagueur, excusez-m’en. C’est avec ça que je me défends des choses contraires. Écrivez-moi un peu. Il n’y a tout de même pas que des tableaux noirs à Paris. Dites-moi si votre Pasiphaé nouvellement habillée en a jeté un peu dans votre milieu. Cocteau a-t-il eu l’occasion de vous en parler. Je dis Cocteau parce que c’est une couleur. Je pense beaucoup à mon travail, qui me console. Je l’aime beaucoup au fond. C’est le seul point solide que j’ai trouvé dans la vie – et puis c’est la chose qui ne trompe pas – surtout pour qui comme nous n’avons pas d’intermédiaire. Je veux dire que, si nous ne comptons pas trop avec les autres, les contemporains, nous aurons ce que nous méritons. Nos œuvres sont nos meilleures enfants »…
3 000 €
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