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089 Georges BERNANOS (1888-1948) écrivain

Manuscrit autographe pour Un mauvais rêve, [1934] ; 87 pages in-4 en feuilles.
Première version de la fin d’Un mauvais rêve, roman policier conçu en 1931, remanié en 1935 et paru posthumément en 1951. La genèse de ce roman est complexe. C’est en janvier 1931 que Bernanos a écrit les premières pages de ce qui deviendra Un mauvais rêve, vite délaissé pour Monsieur Ouine. En 1934, face à d’atroces difficultés financières, il décide d’écrire un roman policier, Un crime, pour la fin duquel il réutilise le projet de 1931. Mais au début de 1935, Plon refuse les deux dernières parties d’Un crime, qui sera publié en juin-juillet 1935, amputé de sa fin ; c’est cette fin, mise au point dans l’automne 1934, que Bernanos commence à remanier dans un nouveau roman qu’il intitule Un mauvais rêve, resté inachevé au profit du Journal d’un curé de campagne ; c’est Albert Béguin qui établira l’édition posthume de ce roman en 1951. Une nouvelle édition en a été donnée en 2015 au tome II des Œuvres romanesques complètes dans la Bibliothèque de la Pléiade, par les soins de Sarah Lacoste et Guillaume Louet en s’appuyant sur le présent manuscrit ; c’est à cette édition que nous renvoyons.
Notre manuscrit est la première version de la fin du roman tel qu’il a été élaboré à l’automne 1934, et envoyé par morceaux à Plon, puis intégré, dans une version remaniée, dans le nouveau projet d’Un mauvais rêve. Mis au net à l’encre bleu nuit au recto de feuillets lignés, il présente très peu de corrections, avec quelques mots laissés en blanc : il s’agit souvent de noms de villes, que Bernanos n’a pas encore choisis ; d’autres noms propres seront choisis ou modifiés ultérieurement.
3me Partie. Chapitre [non numéroté], 11 et 49 pages, numérotées au crayon 41 à 51 (à la fin, Bernanos a noté « À suivre »), puis 1 à 49, correspondant au chapitre X de l’édition de 1951, avec des variantes, et au chapitre VIII de la IIe partie dans l’édition de la Pléiade (p. 87-118). On y voit Simone Alfieri fausser compagnie au sous-chef de gare qui la surveille, changer prestement de train, et se livrer au rêve du meurtre à commettre... Au début de la seconde liasse, un long passage décrivant Bragelonne, où descend Simone, a disparu de la version publiée : « La petite ville au pied des montagnes sous la pluie, ressemblait moins à une ville qu’à un amas de pierres décolorées perdues dans la brume et Madame Alfieri qui l’avait vue deux fois sous le soleil ne la reconnut pas »… On suit les mouvements de Simone, qui s’approche de la maison du crime : sa rencontre fortuite du jeune prêtre est ici plus développée que dans la version finale. Le chapitre s’achève ainsi : « “Vous avez eu toujours un ou deux curés dans votre vie” disait le vieux Ganse, et le vieux Ganse n’avait pas menti. Sa curiosité du prêtre date de loin, est toujours aussi vive qu’à onze ans lorsque tyrannisée par un oncle de Saumur, tailleur pour ecclésiastiques et marguillier de sa paroisse, elle s’est crue amoureuse du beau vicaire […] “Ce ne sont pas des hommes comme nous” affirmait l’oncle Baptiste qui, peu scrupuleux sur la messe et les sacrements, tenait à sa clientèle. Non ! ce n’était pas des hommes comme les autres. Personne au monde n’eut su, par exemple, poser aussi doucement que le vieil archiprêtre, la main sur sa joue, ou la fixer d’un regard à la fois sévère et tendre – ce regard qui la hantait encore aujourd’hui, à son insu, après tant d’années ! »
Texte complet du chapitre XI et dernier de l’éd. Béguin (ici non chiffré), paginé 1 à 27 [chap. IX de la IIe partie dans l’édition de la Pléiade (p. 118-133), où Simone commet le crime, puis s’enfuit et rencontre le prêtre ; il s’achève ainsi : « Avant même que sa silhouette fût sortie de l’ombre, elle avait reconnu sa voix – cette inoubliable voix qui avait saisi son âme, quelques heures plus tôt, d’un présage sinistre – et elle cherchait son regard dans la nuit, avec épouvante. Nul mensonge ne lui vint aux lèvres, et d’ailleurs elle eût jugé vain n’importe quel mensonge. Ce prêtre fantastique surgi deux fois des ténèbres, savait tout. Une seule chance lui restait peut-être – reconnaître sa funèbre puissance, s’avouer vaincue… »
8 000 €
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