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082 Pierre DRIEU LA ROCHELLE (1893-1945) écrivain

18 L.A.S., 1921-[1937], à Daniel Halévy (une à Madame) ; 26 pages formats divers montées sur onglets sur des feuillets de papier vélin fort, quelques adresses, en un volume in-4 dos box gris.
Importante correspondance littéraire et politique, autour de la publication de Mesure de la France (décembre 1922), et témoignant du respect que Drieu portait à son aîné, directeur des « Cahiers verts » chez Grasset.
[Paris 11 février 1921]. Il viendra chez Halévy : « Pour plusieurs raisons je serai content de me trouver en face de vous »... [7 mars]. « J’étais en Angleterre au moment où vous m’avez rappelé votre invitation à laquelle je me serais rendu avec un vrai plaisir »... [18 mars]. « Je crains de ne pouvoir venir avec Jean Bernier qui est en Province pour quelque temps encore »...
Klobenstein 6 mai 1922. Il envoie à son frère le manuscrit de La Mesure de la France, pour qu’il le fasse dactylographier, et il interroge Halévy sur les délais, et divers points : « 1°) L’article vous plaît-il dans le titre ? 2°) Faut-il mettre des titres dans le texte de la mesure et de citoyens 3°) Croyez-vous que j’aie assez retravaillé ces deux morceaux qui n’en forment plus qu’un seul. 4°) La préface est-elle utile ? suffisante ? 5°) Je crois que l’habitude des Cahiers Verts est d’ouvrir chaque cahier par une note introductrice. Voulez-vous me faire l’honneur de la rédiger ? »... Il interroge Halévy sur le rapprochement germano-soviétique : « Le traité de Rapallo ne vous angoisse-t-il pas ? La politique de Poincaré tardive, inefficace ne vaut rien ? Il faudrait franchement faire la part du feu »... Paris [25 mai]. « Des événements fortuits (et principalement la mauvaise santé de mon père) m’ont obligé à rentrer à Paris. Les copies que m’avait envoyées mon frère voyagent encore. Est-il encore temps pour corriger la copie qui est entre vos mains »... [Début septembre]. « D’abord, faut-il vous féliciter de ce petit signe rouge ? J’ai trop d’estime pour vos qualités les plus hautes pour oser croire que vous êtes bien sensible à cette marque gouvernementale. Et pourtant c’est rafraîchissant de penser que dans les hauts lieux on se rend compte de l’importance exemplaire de votre œuvre et de votre vie »... Il demande aussi des nouvelles de la publication de son « petit bouquin »... [Septembre]. « Merci d’avoir encore retouché cette préface dont quelques petits détails qui m’ont accroché ne peuvent me cacher le mouvement d’ensemble qui me porte généreusement en avant. Au fond il sort de notre petit débat une leçon assez comique qui confirme bien ce que vous dites des difficultés de compréhension d’une génération à l’autre »... 25 septembre. Il remercie Halévy du soin qu’il a pris de son « informe copie », qu’il aurait dû mieux corriger : « Mais il y a beaucoup de négligences de premier jet qui auraient encore échappé à ma révision. Vous verrez que presque partout j’ai souscrit à vos observations »... Il demande de secondes épreuves à Hyères... Jeudi [octobre ?]. Très reconnaissant de sa vigoureuse préface, il craint néanmoins de ne pas l’avoir renseigné exactement : « 1°) au sujet des dadas. Les mots “extravagance débile” me heurtent. Je ne crois pas qu’ils soient débiles, ni même qu’ils voguent bien loin d’un centre de préoccupation commun à nous tous »... « 2°) Je n’ai jamais fréquenté les communistes, ni retrouvé parmi eux Lefebvre. Mais au contraire, parce que j’avais gardé un contact intermittent avec Lef. j’ai été amené à former des vues sur le milieu communiste où je ne connais personne et où personne ne m’attire. De même j’ignorerais royalement Clarté si Bernier n’était pas mon ami. J’ai suivi bien plus attentivement le mouvement d’A.F. que celui de Clarté »... Dadaïsme et communisme ne sont que deux choses entre dix auxquels il a porté son regard, et il dirige celui-ci plus que Halévy ne le laisse entendre : « Je crois que dans Interrogation, Fond de cantine et État-Civil, il y a un développement cohérent de méditation sur la guerre et sur la vie moderne »... Benjamin Crémieux a reconnu cette continuité et cette direction dans un article de la N.R.F… [Novembre ?]. Renvoi de Mesure de la France, encore révisé, avec prière de faire imprimer son nom sans son prénom ; il aimerait une traduction anglaise...
22 février 1923. « Le Grix me demande pour la Revue Hebdomadaire de provoquer les réflexions de quelques Français sur le fascisme. Est-ce que samedi, vers deux heures et demie je pourrais vous “interviewer” pendant un bon moment ? »... 21 avril. L’article d’Halévy dans la Revue de Genève l’emplit du « sentiment fortifiant et délicieux de notre entente » ; il apprécie les « alliances intellectuelles » tissées par Halévy. « Il y a, en dépit de tous nos soucis et de tous nos doutes, en France un groupe d’hommes de bonne volonté. Il y a vous, il y a Jacques Rivière, il y a moi qui redébouchons ces avenues par où la France peut sortir d’elle-même et échapper à l’obsession historique dont ses meilleurs gardiens veulent l’étouffer »... Ainsi il pousse Rivière à publier une conférence faite en Suisse pour contribuer à maintenir la fonction européenne de la France... Il voudrait aussi entretenir Halévy de deux livres américains : Babbit, « un roman de Sinclair Lewis qui a eu un énorme succès et qui est une très complète et très solide critique de la civil. amér. », et The Waste Land de T.S. Eliot, « récent chef-d’œuvre du meilleur poète américain et qui me paraît être la somme intellectuelle, sentimentale et lyrique de notre époque en 433 vers. J’écris des nouvelles [Plainte contre inconnu], un roman [L’Homme couvert de femmes] qui satisferont je crois vos pressentiments sur un côté de mon esprit. Bernier achève son roman qui me donne de plus en plus d’espoir »... 8 novembre. Envoi d’un article : « J’ai écrit cette note sur Vauban dans le feu de l’intérêt que je ressentais pour ce livre exemplaire et avec cette absence de prudence dont je jouis tant quand je suis en face de quelqu’un qui peut tout comprendre »...
15 janvier 1930. Trois Dîners [chez Gambetta, de Ludovic Halévy, publié et annoté par Daniel Halévy], est « un petit morceau exquis. […] quelle tape pour Gambetta ! Au milieu de tous les plaisants prestiges dont le pare Ludovic Halévy : éloquence et bonne volonté littéraire, honnêteté et patriotisme, naïf orgueil et vaniteuse bonhomie, c’est le faux grand homme dans toute son horreur qui nous apparaît ! Et comme je suis choqué par ce mépris méridional pour la liberté qu’on sent chez ce dictateur manqué. Il faudrait écrire un livre contre l’influence des Italiens sur la polit. française : les Médicis (longue séquelle), Mazarin, Bonaparte, Gambetta, Blanqui, Napoléon III, et les Corses »... Il parle de l’évolution de sa comédie [L’Eau fraîche] depuis sa lecture, et regrette de ne pouvoir donner son essai, « L’Art est action », aux Cahiers verts : « décidément c’est trop tard »... Cap-Ferrat juillet. Condoléances : « J’avais rencontré votre mère deux ou trois fois, et elle m’avait vivement frappé »... Plus quelques réponses à des invitations, etc.
On a joint 4 l.a.s. de Jean Bernier (1894-1975) à D. Halévy, 1921-1923 ; et la coupure de l’article que Drieu consacra au Vauban d’Halévy dans la Nouvelle Revue Française du 1er octobre 1923.
4 500 €
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